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Delisle,
Michael
1.
Fontainebleau.
Éd.
Les
Herbes
rouges,
1989,
125
p.
Petite
Enfance
à
Longueuil
Michael
Delisle
est
né
à
Longueuil
en
1959,
d'une
mère
native
du
pays
de
Galles
et
d'un
père
québécois
pure
laine.
Il
raconte
justement
sa
petite
enfance
dans
le
quartier
Fontainebleau
à
Longueuil.
Ses
parents
habitent
un
quartier
en
plein
essor
au
cours
des
années
1960.
|
Le
gamin
de
quatre
ans
vit
donc
au
rythme
de
l'érection
des
nombreux
chantiers
de
construction.
Habile
à
se
faire
des
amis,
il
partage
leurs
activités
sur
des
terrains
de
jeux
improvisés
dans
les
champs
en
friche.
On
se
reconnaît
en
eux.
Quel
malin
plaisir
les
enfants
éprouvent-ils
quand
l'un
d'eux
accepte
l'invitation
de
se
coller
la
langue
sur
du
métal
en
plein
hiver!
La
liste
de
ces
petites
malices
est
longue.
Mais
le
plus
drôle,
c'est
quand
une
fillette
partage
un
sac
de
chips
avec
un
copain
par
la
fente
de
la
boîte
aux
lettres
attenante
à
la
porte
d'entrée.
Fontainebleau
est
un
roman
qui
rappelle
à
sa
manière
Chien
de
printemps
de
Patrick
Modiano.
Pendant
une
convalescence,
Michael
Delisle
tente
de
susciter
ses
souvenirs
à
partir
de
photos
qui
supportent
les
engrammes
de
sa
vie,
telle
la
cicatrice
laissée
par
sa
chute
sur
un
plancher
de
terrazo.
Et
peu
à
peu,
son
destin
nous
apparaît
clair.
Les
relations
avec
sa
mère
se
précisent.
Ce
n'est
pas
la
femme
la
plus
maternelle
au
monde.
On
la
sent
déracinée
et
perdue
dans
ses
pensées,
mais
elle
sait
donner
l'essentiel
à
son
fils,
voire
satisfaire
son
imaginaire
en
lui
racontant,
"
avec
plaisir
et
des
trémolos
pour
renchérir
sur
le
mélo
",
des
histoires
avant
de
se
coucher,
en
particulier
celle
de
"
Ti-Blond,
le
cheval
que
le
fermier
doit
finalement
abattre
par
charité
chrétienne
".
Ainsi
se
dessine
une
carrière
d'écrivain
à
partir
du
seul
roman
français
de
la
bibliothèque
d'une
localité
francophone.
Le
plus
intéressant
de
l'œuvre
reste
l'écriture.
À
l'époque,
le
chroniqueur
de
La
Presse
écrivait
que
c'était
"
une
singulière
expérience
de
littérature
";
celui
du
Voir
parlait
"
d'un
rigoureux
exercice
formel
";
et,
dans
une
revue,
le
romancier
André
Brochu
qualifiait
l'écriture
de
l'auteur
de
"
véritable
état
de
grâce
".
L'écart
entre
la
prose
de
Delisle
et
la
poésie
est
très
étroit.
C'est
une
oeuvre
qui
n'a
pas
vieilli,
car
la
technique
très
innovatrice
donne
des
phrases
souvent
nominales
et
surtout
expéditives
comme
on
peut
en
lire
dans
les
romans
d'aujourd'hui.
C'est
un
rock
retenu
par
un
courant
poétique
pour
que
l'on
puisse
prendre
le
pouls
du
héros.
Le
tout
se
moule
à
un
récit
qui
emprunte
à
plusieurs
genres.
Cette
multiplication
par
contre
est
beaucoup
moins
heureuse
parce
qu'elle
crée
un
manque
d'homogénéité
en
fragmentant
la
trame
romanesque
en
trop
d'éléments.
L'unité
de
l'œuvre
y
perd
aussi
alors
que
l'auteur
voltige
des
envolées
poétiques
au
langage
populaire
très
en
vogue
à
l'époque.
Bref,
il
innove
la
facture
et
l'art
d'écrire
tout
en
jonglant
avec
les
niveaux
de
langue.
Son
oeuvre
est
tout
indiquée
quand
on
aime
se
faire
décoiffer
par
la
nouveauté.
Mais
le
contenu
peut
lasser
parce
qu'il
n'éclaire
qu'une
personnalité
naissante
au
lieu
de
s'inscrire
dans
une
intrigue.
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2.
Dée.
Éd.
Leméac,
2002,
125
p.
De
la
campagne
à
la
banlieue
Michael
Delisle
est
très
sensible
à
l'étalement
urbain.
Dans
Fontainebleau,
il
décrivait
son
enfance
à
Longueuil,
où
ses
parents
avaient
acquis
dans
les
années
1950
un
lotissement
gagné
sur
les
terres
agricoles.
Avec
Dée,
il
continue
son
investigation
du
phénomène
qui
transforme
le
Québec
en
immenses
parcs
industriels
entourés
d'habitations
construites
selon
les
mêmes
modèles
architecturaux.
|
Cette
fois-ci,
l'auteur
examine
une
dynamique
plus
complexe.
En
plus
de
s'attacher
aux
futurs
citadins
qui
envahissent
les
territoires
arrachés
à
l'agriculture
ou
à
l'élevage,
il
dirige
aussi
son
projecteur
sur
ceux
qui
doivent
quitter
leurs
fermes
à
l'image
des
habitants
de
Mirabel,
victimes
de
l'expropriation
démesurée
des
administrateurs
publics.
La
famille
Provost
doit
donc
se
reloger
dans
une
autre
municipalité
afin
de
continuer
leur
élevage
de
porcs.
À
l'exception
de
Sally,
l'aînée
déjà
partie,
Charly
et
Audrey,
surnommée
Dée,
perdent
leur
paysage
d'enfance.
Élevés
près
d'une
soue
et
de
terrains
boueux,
ils
ont
vécu
une
symbiose
avec
un
environnement
dur
qui
les
a
investis
de
sa
rusticité.
La
fillette
a
été
marquée
par
cette
atmosphère
fruste.
Les
parents
n'ont
pas
assuré
de
liens
entre
la
dureté
du
milieu
et
les
besoins
affectifs
de
leurs
enfants.
Ils
les
ont
laissés
à
eux-mêmes,
voire
même
poussé
la
cadette
vers
les
adultes
obligés
de
la
maison
comme
le
vétérinaire
pour
recevoir
sa
dose
d'affection.
Investie
d'une
éducation
lubrique,
Dée
va
vers
les
hommes,
sans
méfiance,
obligeant
ainsi
sa
mère
à
la
marier
à
quelqu'un
du
double
de
son
âge.
Pour
elle,
l'amour
était
au
rendez-vous
de
cette
union
arrangée.
Dée
en
était
même
heureuse,
d'autant
plus
que
son
mari
lui
offrait
la
possibilité
d'habiter
l'une
de
ces
nouvelles
maisons
proprettes
de
la
banlieue.
Avec
ce
mariage,
commence
la
deuxième
partie
du
diptyque.
Vivre
autour
des
grands
centres
exige
une
formation.
Il
faut
s'occuper
du
gazon,
planter
des
fleurs,
chasser
les
pissenlits.
Dée
n'a
pas
reçu
cette
éducation
qui
l'aurait
préparée
à
sa
vie
de
banlieusarde.
C'est
d'autant
plus
difficile
qu'elle
réalise
que
son
mari
ne
l'aime
pas.
Toujours
parti,
il
continue
de
mener
une
vie
de
célibataire.
Cette
constatation
n'est
pas
sans
conséquences.
Elle
se
replie
sur
elle-même
après
quelques
tentatives
pour
sortir
de
son
cocon.
Coupant
tout
lien
avec
l'extérieur,
elle
perpétue
l'éducation
qu'elle
a
reçue
en
profitant
de
son
fils
de
quatre
ans
pour
combler
ses
besoins
sexuels.
Dans
une
langue
dépouillée,
l'auteur
a
tracé
le
portrait
d'un
Québec
en
évolution
pour
laquelle
tous
n'étaient
pas
préparés.
Ce
déracinement
au
profit
de
la
banlieue
ne
raffine
pas
pour
autant
les
mœurs.
La
misère
morale
ne
connaît
pas
de
frontières.
La
démonstration
de
Michael
Delisle
est
brillante,
mais
elle
heurtera
ceux
qui
sont
nés
sur
une
ferme.
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3.
Tiroir
no
24.
Éd.
Boréal,
2010,
132
p.
Les
Univers
numérotés
Quand
on
atterrit
dans
un
orphelinat,
il
faut
bien
accepter
l'espace
numéroté
que
l'on
se
fait
allouer
pour
ranger
ses
effets
personnels.
Benoît
Murray,
le
narrateur
du
roman,
s'est
vu
ainsi
attribuer
le
tiroir
no
24.
Au
moins
ça
lui
crée
une
identité
dans
un
monde
dirigé
par
des
religieuses,
qui
éduquent
les
âmes
qu'on
leur
confie
avec
une
autorité
incontestable.
|
Heureusement,
le
chant
vient
à
sa
rescousse.
La
famille
Cyr,
propriétaire
d'une
boulangerie,
l'a
adopté
à
cause
de
sa
voix.
La
bonne
odeur
du
pain
le
rend
plus
sensible
aux
rapports
humains
incarnés
dans
un
quotidien
meublé
par
la
routine,
la
domination
et
la
sexualité.
Son
passé
honteusement
entaché
le
maintient
à
distance
même
s'il
sent
qu'une
réelle
communauté
l'entoure.
Une
communauté
qui
bat
au
rythme
de
l'exposition
universelle
de
1967
et
du
référendum
sur
la
souveraineté.
Malheureusement,
la
narration
au
"
Je
"
met
le
héros
en
marge
de
l'univers
qu'il
veut
conquérir
tout
en
assumant
son
autonomie.
L'œuvre
bute
en
fait
sur
des
incidents
circonstanciels
sans
les
transcender.
On
retrouve
l'écriture
des
œuvres
de
Michael
Delisle.,
une
plume
hautement
évocatrice
des
environnements
dévastateurs.
Mais
la
sécheresse
du
ton
empêche
d'entendre
"
les
sanglots
longs
des
violons
de
l'automne
(qui
blessent
le)
cœur
d'une
langueur
monotone
".
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4.
Le
bfeu
de
mon
père.
Éd.
Boréal,
2014,
122
p.
Relation
père-fils
Les
relations
père-fils
inspirent
plus
d'un
auteur.
Généralement,
avec
cette
thématique,
on
peut
s'attendre
à
un
règlement
de
compte
entre
un
géniteur
et
un
rejeton
victime
de
son
absence
ou
de
son
silence
que
l'on
ne
peut
qualifier
d'éloquent.
Souvent
la
violence
sert
de
moyen
de
communication
afin
de
compenser
les
carences
paternelles.
L'agression
physique
est
un
métalangage
qui
devrait
avertir
l'enfant
de
se
méfier
du
pattern
du
manque
afin
d'éviter
que
se
réalise
l'adage
qui
veut
que
le
fils
soit
le
portrait
de
son
père.
|
Heureusement,
ce
récit
s'élève
au-delà
de
cette
réalité
douloureuse
pour
déborder
sur
l'art
d'être
poète.
Jamais
enfant
battu
et
poésie
n'ont
fait
aussi
bon
ménage.
Michael
Delisle
sait
trouver
les
mots
pour
exprimer
l'indicible
à
l'instar
de
Marie
Cardinal.
Et
comme
chez
cette
dernière,
l'amour
et
la
haine
se
confondent.
"
Cet
animal
lui
a
donné
la
vie
".
C'est
un
lien
difficile
à
rompre.
Même
si
l'auteur
réalise
que
son
père
est
un
homme
"
sans
envergure
",
un
suiveux
qui
a
marché
dans
les
pas
du
soi-disant
oncle
Léo,
il
s'applique
à
reconnaître
sa
filiation
pour
nourrir
sa
vocation
d'écrivain.
Cette
mission
ne
suit
pas
les
ornières
du
récit.
Elle
transcende
plutôt
le
genre
en
l'épurant
de
tous
ressentiments
ou
de
toutes
admirations
qui
font
le
diable
ou
le
démon.
L'auteur
cherche
plutôt
à
se
purifier
de
sa
relation
malsaine
par
le
feu
qui
anime
tout
de
même
son
père.
Un
feu
qui
a
fait
de
lui
un
bandit
qui
s'est
converti
au
mouvement
charismatique.
Ce
n'est
pas
l'homme
du
juste
milieu.
C'est
le
type
du
combat
extrême
qui
ne
peut
se
départir
de
son
arme
qu'il
appelle
feu,
d'où
le
titre
de
l'œuvre.
"
Mon
feu
est-il
dans
le
coffre
à
gant
?
"
Il
est
toujours
prêt
à
dégainer,
même
en
direction
de
sa
femme,
qui
s'est
servi
de
son
fils
Michael
comme
bouclier
quand
la
situation
s'est
présentée.
L'auteur
n'a
pas
connu
une
vie
de
tout
repos.
Il
lui
a
fallu
surnager
pour
ne
pas
se
noyer.
Sa
bouée
de
sauvetage
lui
est
venue
de
la
poésie.
C'est
la
voie
de
la
résilience
qui
lui
a
permis
de
s'élever
au-dessus
de
la
mêlée
afin
de
survivre
aux
manquements
paternels
et
d'aimer
en
dépit
de
tout
son
bourreau
parce
qu'il
est
tout
simplement
son
père.
Il
faut
une
bonne
dose
d'humilité
pour
aborder
cette
thématique
sous
un
angle
constamment
défavorable.
Et
pourtant,
Michael
Delisle
parvient
à
grandir
dans
une
relation
amour-haine
sans
détruire
l'image
paternelle.
L'auteur
s'est
livré
à
un
exercice
difficile,
mais
qu'il
a
parfaitement
exécuté.
Il
épargne
ainsi
aux
lecteurs
l'ennui
de
suivre
une
trame
sans
originalité.
Bref,
c'est
beau,
mais
c'est
dur.
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