Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Paré, Yvon.

Les Plus Belles Années. Éd. XYZ, 2000, 196 p.

L'École de rang des années 40

Ce récit, qui est un vrai roman, couvre une année scolaire dans la vie de l'auteur. Il raconte l'attrait que représente l'école de rang pour tous ces enfants de fermiers. Et contrairement à celles des villages et des villes, les écoles de la campagne sont mixtes. Ce sont des célibataires (loi oblige) qui enseignent toutes les matières, à tous les niveaux, à un nombre impressionnant d'enfants, regroupés dans un seul local, démuni d'installations sanitaires et d'électricité. Les Filles de Caleb d'Arlette Cousture recoupe la même réalité de manière différente ainsi que Gabrielle Roy avec Ces enfants de ma vie.

Pour ce roman, l'auteur s'est concentré sur le cadre scolaire des enfants des années 1940-1950. Tout se passe dans une école du lac St-Jean. Le seul contact avec les adultes évoqué est celui de l'institutrice, dont la compétence est attestée par un inspecteur à travers le savoir des élèves. Une autre visite attendue est celle du curé, qui s'assure que l'enseignement religieux, obligatoire à l'époque, est bien dispensé. Ces personnages au pouvoir discrétionnaire sont reçus avec inquiétude. Les élèves ont intérêt à ne pas commettre de bavures, surtout s'ils tiennent à leur institutrice et à leur promotion.

Ce sont de bons enfants. Mais, comme un dompteur de lions, l'institutrice doit établir son autorité. L'opération de la complicité réussie, tout coule comme un charme ou presque. L'enseignante, plutôt empathique, sait mettre en valeur le talent de chacun pour le bénéfice de tous. Et grâce à son encouragement, saynètes, chants et dessins se mêlent pour célébrer les principales fêtes de l'année, en particulier celle de Noël alors que chaque garçon veut représenter Saint Joseph pour paraître aux côtés de la plus belle fille de l'école. L'auteur pourra ainsi développer son talent de dessinateur, d'autant plus qu'il a reçu des crayons Prismacolor, très prisés à l'époque.

L'école mixte de la campagne offre aux garçons l'occasion de parfaire davantage leur éducation. Il n'y a pas une fente des toilettes qui ne sert pas à ça. L'hiver est la saison idéale pour faire des progrès en la matière quand on réussit à se faire désigner par l'institutrice pour alimenter de bûches, le poêle situé au sous-sol, dont le plafond, muni d'une large grille, permet à la chaleur de se répandre dans la classe. Quand les fillettes s'amènent au bureau de l'institutrice pour faire corriger leurs travaux, le garçon de faction au sous-sol en profite pour examiner ce qu'elles portent sous leur robe. En plus, l'école leur donne la chance d'établir leur domination. Un moyen infaillible concourt à déterminer le chef : le sport. Celui des billes de marbre (probablement de verre) jouit de la faveur de tous. Chaque localité pratique une version différente de ce jeu. Celui de cette école consiste à lancer des billes contre le mur. À leur manière de tomber au sol, on détermine le gagnant. À la fin, celui qui a réussi à rafler les billes de tous ses adversaires est évidemment reconnu comme le coq de l'école.

C'est un roman d'une grande fraîcheur. L'auteur décrit l'école telle que vécue par des élèves. C'est toute une petite communauté vivante, conduite par une institutrice bienveillante. On le sent surtout quand le roman prend fin par un pique-nique le long de la rivière. Avec humour et vivacité, l'auteur témoigne d'une époque avec beaucoup d'authenticité.