Paul-André Proulx

Littérature Québecoises


Goudreault, David.

Abattre la bête. Éd. Stanké, 2017, 240 p.


Maman, je t'aime

Ce roman termine une trilogie brossant le tableau d'un désaxé. L'auteur ne dit pas comment on en arrive à perdre le sens de la réalité, mais ses livres sur le sujet sont assez éloquents. Comme David Goudreault est un travailleur social de formation, il avait à la portée de la main le matériel pour échafauder le labyrinthe où se perdent les plus vulnérables. Il ne lui manquait pour s'attaquer à la thématique que l'art d'écrire. Voilà qu'il découvre qu'il détient le mot pour dire l'indicible à l'instar de Marie Cardinal, qui a emprunté un créneau semblable pour saisir l'effet malsain de sa relation à sa mère.


Il n'est pas nécessaire de parcourir la série de bouquins pour comprendre ce dont il est question. Mais le lecteur profiterait de savoir que la mère du protagoniste a perdu la garde de son enfant âgé de sept ans. Ce fut alors la tournée des institutions, des foyers d'accueil, des maisons de jeunes ravagés par la drogue. On devient un numéro, un no body à qui il ne reste plus que la délinquance pour manifester son existence. Il ne faut pas être surpris qu'à 22 ans, le héros ait commis l'irréparable qui lui a valu de pensionner dans l'aile psychiatrique de l'institut Pinel, soit un centre correctionnel pour les accusés reconnus comme non responsables de leur acte

Avec leur grande sagesse, les juges imposent ce séjour dans des institutions psychiatriques à tous ceux dont les crimes sont redevables à des troubles de personnalité profonds. La distorsion de la réalité dicte d'autres règles de conduite qui agissent comme un euphorisant. Tout est possible pour un meurtrier dont les capacités cognitives sont tournées vers la liberté qui lui ouvrira les portes du monde. La fabulation devient son modus operandi. C'est un vainqueur né de la cuisse de Jupiter. On comprend alors la mentalité qui anime les tueurs en série ou les autres psychopathes. Vivre pour tuer et tuer pour vivre.

Le héros de ce roman n'échappe pas à la donne psychologique qui en a fait un rejeté. Il veut prouver qu'il n'en est pas un en retrouvant sa mère avec qui il vivra heureux le reste de ses jours grâce au pouvoir des armes. Ce rêve impossible révèle un esprit malade. Il vit comme si jamais il n'aurait à rendre compte des gestes criminels posés. Il se sauvera de prison, vivra avec des prostituées, des désaxés comme lui. C'est l'univers de la peste de l'âme.

Y a-t-un salut ? Si. Quand on dérive par enchantement vers des terres plus humaines. Dire que l'on aime sa mère n'est pas suffisant. Quand l'émotion s'exprime avec violence, on récolte la tempête. Il en faut du temps avant de comprendre que l'on n'est pas sa propre rédemption. Le dénouement donne la prémisse qui découle de la phrase précédente.

Même s'il s'agit d'un tueur, il fait pitié à cause de ce qu'il a vécu. En fait, l'auteur réveille la conscience du lecteur afin de le rendre sensible aux manifestations de la maladie mentale. Grâce à sa plus plume enlevante, touchante et émaillée de connotations littéraires, il a atteint son objectif en dépouillant ce pan scabreux de son héros. Mais derrière tout ça, on sent l'amour s'amener à pas feutrés pour que la tendresse triomphe de la détresse