Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Arcand, Nelly.

À ciel ouvert . Éd. du Seuil, 2007, 272 p.

De la burqa au botox


La femme musulmane se dissimule sous sa burqa comme la femme occidentale le fait avec le botox, les implants mammaires et les vaginoplasties. Ces recours ont pour but d'attacher un homme à sa vie, mais atteignent-ils l'objectif visé? En guise de réponse, Nelly Arcan laisse filtrer les drames qui couvent derrière la mascarade des corps frelatés que l'on soumet à la contemplation de la gent masculine.

La quête de soi se fusionne à la quête de l'autre. Pour y arriver, on ne cherche pas à être bien dans sa peau, mais de s'en donner une nouvelle en suivant les conseils des revues vouées à la beauté des corps, plus facile à illustrer que la beauté de l'âme. On a substitué la maxime du poète Juvénal, " Mens sana in corpore sano ", par un esprit sacrifié au corps torturé par les plasties esthétiques. La quête de l'autre passe ainsi par la chair magnifiée afin d'être plus concurrentielles sur le marché des cœurs à vendre. Dans ce contexte, les relations entre les hommes et les femmes s'apparentent aux techniques de la pornographie, qui mettent la génitalité en évidence. Exhiber son corps à ciel ouvert serait-il vivre à tombeau ouvert? Le dénouement apporte la réponse à cette question.

C'est le canevas qui soutient le roman de Nelly Arcan. Elle présente deux héroïnes qui convoitent le même homme. Pour se l'arracher, chacune est prête à souffrir dans sa chair. En fait, ces femmes sont des dépendantes affectives, prêtes à abandonner leur identité pour s'attacher l'âme sœur en adoptant des méthodes empruntées au sado-masochisme. Pour étoffer cet univers malsain, l'auteur creuse l'amont de ses personnages, qui s'enracine dans une éducation qui ne laisse pas présager de bonheur en aval. Victimes d'une filiation carentielle, les héroïnes perpétuent leur malheur en jouant la carte trafiquée de la séduction.

La réflexion de Nelly Arcan sur l'humanité dénaturée s'inscrirait dans le discours de Réjean Ducharme, qui déplore les mises en scène de soi pour épater la galerie. Là se limite la comparaison. Contrairement à son aîné, Nelly Arcan ne propose pas une hibernation de force pour sauvegarder son intégrité. Son roman participe à la recherche de ce qui pourrait créer le bonheur du couple à travers une sexualité qui comblerait les attentes. Il faut en conclure qu'il faut se tenir loin des artifices, qui donnent l'illusion d'en cacher le secret. L'auteure traite des aspirations du deuxième sexe, comme dirait Simone de Beauvoir, avec un regard perspicace, mais la lourdeur de l'écriture malgré les belles envolées et la futilité des points secondaires, comme la guerre au Liban, risquent de nous faire oublier qu'il s'agit d'une œuvre achevée.