Paul-André Proulx

Littérature Québecoises


Thériault, Yves.

Agaguk.
Éd. Le Dernier Havre, 2003, 394

Les Innus du Canada

Lors de sa parution en 1958, Agaguk fit un tabac. C'était l'une des premières fois que l'on se penchait sur les conditions de vie des premières nations du Canada. Yves Thériault, Montagnais par sa mère, a ouvert la voie à quelques romanciers, tel Bernard Assiniwi, qui ont exploité ce filon pour présenter les doléances des peuples qu'on a voulu rayer de la carte comme ce fut le cas pour les Béothuks de Terre-Neuve.

Dans ce roman, Agaguk fuit la Justice canadienne pour un meurtre qu'il a commis. Les siens le protégeront afin qu'il puisse atteindre avec sa femme un territoire presque inaccessible aux blancs. Ce n'est pas eux qui jugeront les autochtones. Aujourd'hui, on remarque davantage le clivage entre les blancs et les premiers habitants du Canada. Leurs revendications se font de plus en plus oppressantes. Ils ne veulent plus être les dindons de la farce dans l'exploitation des richesses naturelles. Avec ce canevas, on revit les us et coutumes des vrais colonisateurs de l'Arctique. L'aspect le plus intéressant du roman, c'est la conception de l'amour dans le couple. Et surtout le rôle de la femme dans l'édification de cet amour. En entrée de jeu, on voit une femme très entreprenante qui saura faire d'Agaguk un homme vrai et un véritable amoureux.

Bref, par l'entremise d'un couple qui tente d'échapper à la Gendarmerie en vivant selon ses traditions, ce roman indique que les Amérindiens ne veulent plus pactiser avec leurs spoliateurs. C'est le fruit d'un travail colossal que seul l'un des leurs pouvait écrire pour manifester autant d'authenticité. Cette œuvre, qui témoigne du don de conteur de l'auteur, rejoint finalement les préoccupations des écrivains du Montana qui supportent mal le passé qui a présidé à la création des États-Unis.