Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Smith, Neil.

Big Bang. Éd. Les Allusifs, 2007, 181 p.

L'Humanité souffrante

Neil Smith est un Montréalais né en 1964. Il ne faut pas le confondre avec son homonyme états-unien né à Denver en 1946. Ce dernier écrit des romans de science-fiction tandis que le nôtre vient de publier son premier recueil de nouvelles traduit en français. Il fait ainsi une entrée remarquée chez les francophones qui se reconnaîtront dans son livre puisque Montréal sert souvent de toile de fond, en particulier le centre-ville et le port avec son mini Big Ben.

Chacune des nouvelles s'attache à un moment singulier du quotidien, qui se fixera à jamais dans la mémoire des victimes et de leur entourage. Que ce soient la mort du mari ou la maladie comme le syndrome de Fred Hoyle qui pousse vers une vieillesse prématurée, chaque circonstance entraîne les héros dans un cul-de-sac. L'auteur ne leur aménage aucune issue pour s'en sortir, hormis cette possibilité d'exploiter la résilience pour survivre aux mauvais sorts auxquels les soumet leur humanité. C'est avec perspicacité qu'il met en relief les conditions pénibles de l'existence. Comme un chiromancien, il sait lire les lignes de la destinée qu'il englobe dans un Big Bang, un monde en expansion, mais pas nécessairement en faveur de ceux qui le composent. La vulnérabilité prend souvent des visages loufoques, mais elle n'en est pas pour autant moins triste. Qu'une veuve se promène avec les cendres de son défunt mari contenues dans une pierre de curling peut faire rire, comme cette grosse femme qui se retrouve nue dans la rue. Mais partout, c'est la détresse humaine qui s'affiche.

L'auteur anime ce paradis perdu d'un souffle particulier. Chez les francophones, Sébastien Chabot, entre autres, partage cette vision pessimiste qui emprunte la voie de l'ironie ou du cynisme. Les deux auteurs sortent des sentiers battus et font preuve d'originalité pour nous montrer dans quelle drôle de galère nous sommes embarqués. Avec ce recueil, Neil Smith manifeste un don d'écrivain évident, mais son éclectisme a passé à un cheveu de transformer ses héros en personnages de foire. Quoi qu'il en soit, il a écrit des nouvelles intéressantes, auréolées de fantastique, mais d'un achèvement inégal. Tout un auteur, qui devra apprendre à dompter son ardeur.