Roy,
Gabrielle
Bonheur
d'occasion.
Éd.
Boréal
compact,
1976,
413
p.
La
Famille
urbaine
des
années
1940
Roger
Lemelin
et
Gabrielle
Roy
sont
deux
écrivains
qui
ont
amorcé
un
courant
littéraire
urbain.
Avant
eux,
la
littérature
se
limitait
à
la
paysannerie
puisque
les
dirigeants
politiques
et
religieux
rappelaient
continuellement
à
leurs
ouailles
que
la
société
québécoise
se
devait
d'être
française,
catholique,
prolifique
et
rurale.
Hors
de
ce
circuit,
point
de
salut.
La
ville
entraînerait
la
perte
de
l'âme
et
du
corps
du
malheureux
qui
s'y
aventurerait.
Dans
Les
Soirs
rouges,
Clément
Marchand
déplorait
amèrement
l'exode
vers
la
ville,
ce
milieu
où
triomphe
la
mort.
Dans
Bonheur
d'occasion,
Gabrielle
Roy
perpétue
le
mythe
de
la
malignité
urbaine.
D'aucune
façon,
l'urbanité
ne
peut
supporter
le
rêve
de
la
famille
québécoise
nombreuse.
C'est
donc
un
espace
à
fuir
comme
la
peste.
Ceux
qui
y
restent
sont
condamnés
à
la
pauvreté
et
à
la
maladie.
Un
petit
voyage
à
la
campagne
de
la
famille
Lacasse
souligne
comment
la
ferme
peut
être
salutaire.
Vivre
à
la
ville
pour
un
homme,
c'est
vendre
sa
santé
aux
suppôts
de
Satan.
Et
ce
serait
vendre
son
âme
que
de
vouloir
tenir
les
rênes
de
l'économie.
L'argent,
c'est
du
fumier
diabolique
auquel
il
ne
faut
pas
toucher.
Cette
dialectique
faisait
plaisir
aux
âmes
protestantes
anglaises,
qui
d'ailleurs
ne
sont
pas
gênés
pour
exploiter
l'aspect
sacrificiel
du
bon
Québécois
qui
ne
cherchait
qu'un
terreau
pour
planter
sa
croix.
Après
la
Rébellion
de
1837,
le
peuple
s'est
isolé
sur
des
terres
agricoles
ou
s'est
livré
à
vil
prix
aux
entreprises
qui
se
sont
enrichies
aux
dépens
de
sa
santé.
L'homme,
vidé
de
son
âme,
a
passé
le
flambeau
à
sa
femme,
qui,
du
mieux
qu'elle
a
pu,
a
maintenu
notre
cohérence
en
transmettant
les
valeurs
reçues
des
ancêtres.
La
tâche
était
lourde,
d'autant
plus
que
l'analphabétisme
était
monnaie
courante.
Coupé
de
toute
vie
intellectuelle
ou
culturelle,
il
était
bien
difficile
d'imaginer
une
société
nouvelle
pour
assurer
la
survivance
de
nos
valeurs.
Gabrielle
Roy
a
bien
choisi
son
quartier,
Saint-Henri,
pour
illustrer
cette
dynamique
de
la
pauvreté
de
la
famille
urbaine
d'origine
française.
Pauvreté
qui
s'accentue
en
tous
sens
parce
que
les
Montréalais
sont
en
fait
des
déracinés
quasiment
illettrés,
venus
s'établir
dans
une
ville
presque
entièrement
anglophone
au
19e
siècle.
Son
roman
trace
un
triste
tableau
de
cette
société,
muselée
dans
ses
projets
sociaux
et
ne
vivant
que
de
bonheurs
d'occasion.
Il
va
falloir
attendre
1960
avant
que
le
Québec
prenne
son
destin
en
main
avec
Jean
Lesage,
un
nouveau
premier
ministre,
dont
le
slogan
était
"
Maître
chez
nous
".
Déjà,
le
personnage
de
Jean,
curieuse
coïncidence,
annonce
ce
tournant
qui
va
se
manifester
quinze
ans
après
la
parution
de
ce
grand
roman
qui
donne
l'heure
juste.
Pour
en
saisir
toute
la
richesse,
il
faut
être
familiarisé
avec
l'Histoire
du
Québec
et,
surtout,
avec
les
aspirations
déçues
du
peuple
que
l'on
a
traité,
comme
l'a
écrit
Albert
Memmi,
comme
des
colonisés
sous-doués.
L'écriture
est
d'un
classicisme
qui
en
fera
bâiller
quelques-uns,
mais
cette
œuvre,
comme
La
Famille
Plouffe
de
Roger
Lemelin
et
Le
Survenant
de
Germaine
Guèvremont,
véhiculent
l'âme
canadienne-française
comme
un
viatique.
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