Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Mavrikakis, Catherine.

Ça va aller. Éd. Leméac, 2002, 156 p.

Haro sur le Québec

Quelle couleur le Québec devrait-il endosser pour satisfaire les aspirations de chacun ? That's the question, dirait Shakespeare. Comme les Québécois de souche ne se divisent pas en camps tranchés, ils verront souvent le sablier se retourner avant d'entrevoir l'ombre d'une réponse. La démocratie protège la population de l'idéologie des groupuscules pressés sans qu'elle perde de vue ses objectifs, à savoir, en autre, sa résistance à l'assimilation. Comme écrivait Jean de Lafontaine, " Patience et longueur de temps font plus que rage et que force. " Catherine Mavrikakis a fait fi de ce conseil en écrivant Ça va aller, un roman aux allures pamphlétaires.

Révoltée du fait que le Québec n'évolue pas assez vite, elle dénonce tous ceux qui privilégient l'option d'une " révolution tranquille ". Cette Québécoise souverainiste adore la terre d'adoption que ses parents ont choisie. Mais pour appeler des changements, elle se comporte comme une mère qui traiterait son enfant de " pas fin " quand il agit mal. Elle écrit qu' " on ne peut qu'haïr le Québec, le détester pour sa petitesse, ses ratages, sa morosité, sa frilosité face à tout engagement, sa lâcheté... " Cette manière n'est pas la meilleure solution pour fouetter les troupes. Au contraire, elle est plutôt incendiaire comme on peut le constater en consultant le site de Claude Jasmin.

On sent que, sous le coup des frustrations, Catherine Mavrikakis n'a pas laissé macérer son roman assez longtemps. Elle sert quelques vérités déjà connues sans incorporer son huile de foie de morue dans un jus d'orange. Même Elvis Gratton admet la convergence qui impose les mêmes artisans de la culture. La hargne, à l'instar de celle de Pierre Falardeau, est-elle garante d'une transformation, aussi souhaitable soit-elle ? La forme, tout aussi revêche, ne s'adresse qu'aux intellectuels. Le message passe à travers une intertextualité, en occurrence les œuvres d'Hubert Aquin et de Réjean Ducharme, deux auteurs qui auraient pu être des chefs de file si le suicide ou l'anonymat puéril ne les avait pas disqualifiés pour tenir ce rôle. Mais la plus grande carence de ce roman vient du mutisme sur les aboutissants du projet politique de l'auteure. L'écriture très masculine ne pare pas les lacunes. La mère de l'héroïne est peut-être " une hostie de chienne ", mais la vulgarité ne la rendra pas plus méprisable. Heureusement, Éric Dupont a repris récemment l'idée de sa consœur avec beaucoup plus de crédibilité dans La Logeuse.