Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Chaperon, Danielle.

Emma et le Dieu-qui-rit. Éd. du Boréal, 1998, 155 p.

L'Adolescence

L'adolescence est un sujet inépuisable. Chaque étape de la vie apporte son lot de petites misères, dont les romanciers s'inspirent souvent pour éclairer notre chemin. Danielle Chaperon a choisi de s'intéresser à Emma, une adolescente de quatorze ans, qui se trouve vieille depuis l'âge de sept ans.

L'héroïne a grandi entre sa grand'mère, qui cache un cœur d'or derrière une façade repoussante, sa tante Gloria, une bonne grosse vivante, et sa mère Dolorès, une ivrogne ouverte à tous les porteurs de chromosomes XY. Emma vit dans cette famille peu orthodoxe au sein de laquelle elle reçoit toute l'attention voulue pour s'émanciper sans problèmes. Mais la joie de vivre ne caractérise pas les adolescent(e)s. Ce sont des êtres moroses par définition. Ils sont vexés d'appartenir encore au monde de l'enfance alors qu'ils se perçoivent comme des adultes qui n'ont plus rien à apprendre de leurs aînés. C'est dans ce contexte que l'héroïne quitte la maison pour assumer sa féminité.

Son périple mettra sur sa route Raphaël, membre d'une secte, un couple de biologistes pâmés de poulamons et Harold, un culturiste dont elle deviendra amoureuse. Quoique bien accueillie par tous, elle poursuit sa route en quête de ce qui comblera le mieux son narcissisme. Qui voudra la considérer comme le nombril du monde? Difficile de satisfaire quelqu'une de désorientée! Emma aime bien les voyages et les animaux, mais les adultes la déçoivent parce qu'ils ne parviennent pas suffisamment à l'étonner. C'est un défi de surprendre une adolescente qui est née avec la magie de la technologie. Elle est d'autant plus difficile à contenter qu'elle est atteinte d'un spleen qui n'origine d'aucun esprit subversif. Elle vit en dehors de toutes préoccupations sociales ou métaphysiques, à l'exception de la religion qu'elle exècre, ce qui est surprenant pour une fille qui n'a connu que la laïcité.

Danielle Chaperon recourt à l'humour et à la parodie pour raconter le drame de son héroïne. N'est pas humoriste qui veut. Ça amusera si l'on n'est pas trop exigeant. Mais, en dédramatisant la dynamique à laquelle sont soumis les jeunes à l'adolescence, l'auteur nie l'importance de cette époque cruciale pour connaître une croissance harmonieuse.