Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Arcans, Nelly.

Folle.

Éd. du Seuil, 2004, 205 p.

Dépendance affective

L'auteur fait l'autopsie de l'échec amoureux d'une Montréalaise de 29 ans. Attirée par l'accent d'un journaliste français dans un bar du Plateau, la narratrice veut vivre le paradis de l'amour avec cet homme errant qu'elle réussit à intéresser. L'héroïne, qui se définit comme une " moins que rien ", espère s'enrichir grâce à la culture tellement supérieure de son nouvel amant. Complexe d'anciens colonisés oblige.

Malheureusement, l'ardeur qu'elle investit pour nourrir son couple n'apportera pas de dividendes. Elle se butera à un phallocrate, qui préfère se branler en regardant des sites pornographiques. Déçue par sa vacuité, elle s'attache à lui malgré tout, comme Ces femmes qui aiment trop de Robin Norwood. Le sens unique de l'amour fou qu'elle lui porte la démolit. La rage de l'abandon la pousse finalement à lui écrire une lettre (ce nouveau roman de l'auteur) pour retracer ce qui aurait pu être l'amour du siècle. Le découragement de cette femme abandonnée est rendu avec une authenticité courageuse. La mise en abîme entraîne évidemment celle de son amant. Comme Esther Croft dans De belles paroles, Nelly Arcan stigmatise les profiteurs qui causent la détresse des femmes.

Cette dissection du cadavre d'un amour maladif ne suit pas un ordre précis. L'héroïne se promène au hasard des événements qui remontent à sa mémoire. Le manque de linéarité ne coupe aucunement le fil conducteur de l'œuvre. Et même si d'entrée de jeu, on connaît le dénouement, le développement est assez fort pour maintenir l'intérêt, surtout grâce aux rebondissements bien amenés et à la franchise de l'auteur, susceptible cependant de gêner les âmes sensibles. Contrairement à son premier roman, Nelly Arcan maîtrise mieux l'expression de ses émotions. Mais on est loin quand même de l'écriture clinique de Maxime-Olivier Moutier qui a abordé un sujet semblable dans Marie-Hélène au mois de mars.