Ducharme,
Réjean
Gros
Mots.
Éd.
Gallimard,
1999,
311
p.
Un
Jésus-la-Caille
en
quête
d'absolu
Gros
Mots
est
caractéristique
de
l'univers
ducharmien.
En
fait,
c'est
une
suite
à
L'Hiver
de
force,
son
chef-d'œuvre
à
mon
avis.
Il
s'agit
de
l'histoire
de
Johnny,
l'amant
d'Exa,
mais
qui
s'intéresse
surtout
à
Petite
Tare,
la
femme
de
son
frère
par
adoption.
Le
dilemme
du
roman
tourne
autour
d'un
manuscrit
que
le
héros
a
trouvé
le
long
du
fleuve
Saint-Laurent.
Il
aurait
été
écrit
par
un
certain
Walter,
alter
ego
du
héros,
qu'il
parviendra
à
connaître
grâce
aux
strip-teaseuses
du
bar
qu'il
fréquente.
L'histoire
est
simple,
mais
c'est
l'écriture
qui
pose
des
problèmes.
Les
économies
de
transitions
exigent
une
attention
constante
pour
suivre
les
différents
personnages,
heureusement
fort
peu
nombreux.
Il
faut
ajouter
une
syntaxe
qui
pousse
les
phrases
à
la
limite
de
la
compréhension.
Cette
exploration
grammaticale
produit
parfois
une
écriture
ahurissante
:
"
Je
lui
demande
des
tuyaux
sur
ce
qu'Exa
me
jouait
dans
le
dos,
qu'elle
me
plaquait.
"
Par
contre,
il
a
parfois
des
trouvailles
qui
ravissent
comme
"
la
peau
de
ses
eaux
",
une
expression
qui
désigne
la
neige.
Mais
encore
là,
il
accole
cette
métaphore
à
un
verbe
qu'il
rend
transitif
:
"
marcher
la
peau
de
ses
eaux
".
Parfois,
il
monte
d'un
cran
le
langage
parlé
pour
apporter
une
jolie
tournure
comme
dans
:
"
Je
connais
son
animal
".
C'est
plus
expressif
que
"
je
le
connais,
l'animal
".
Et
quand
il
prend
"
le
vol
de
nuit
"
de
sa
compagne,
on
comprend
que
c'est
pour
le
septième
ciel.
Cette
écriture
originale
est
malheureusement
souvent
gâtée
par
des
calembours
d'un
ludisme
douteux.
Au
niveau
de
la
trame,
le
héros
de
Gros
Mots
épluche
avec
Petite
Tare
le
manuscrit
de
Walter,
un
écrivain
raté.
Quand
Ducharme
l'intègre
finalement
à
son
récit,
mettant
ainsi
fin
au
parallélisme
à
la
mode
du
roman
dans
le
roman,
Johnny
s'en
désintéresse
et
se
débarrasse
même
du
manuscrit.
Il
supporte
mal
les
incarnations
qui
pourraient
le
remettre
en
question.
Il
aime
mieux
naviguer
dans
le
monde
des
purs
esprits.
Il
connaît
le
même
problème
avec
les
femmes.
L'être
aimée
passe
derrière
la
Femme
avec
un
grand
F.
Il
ne
veut
lui
offrir
qu'un
amour
cérébral,
proche
parent
du
platonisme.
Ainsi
il
se
protège
de
toute
union
qu'il
voit
comme
une
dissolution.
"
L'amour
n'est
pas
un
abîme
où
se
jeter,
se
débarrasser
de
soi.
"
Il
rabaisse
donc
l'amour
vécu
au
quotidien
à
des
habitudes
qui
relèvent
de
l'exercice
comptable
:
tu
fais
le
café,
je
fais
les
courses,
tu
me
prépares
de
bons
spaghetti,
je
prends
soin
du
chat.
C'est
l'évangile
de
la
mesquinerie
même
si
on
peut
en
tirer
de
belles
citations
comme
"
On
n'a
pas
le
droit
de
moins
aimer,
c'est
le
péché
le
plus
mortel.
"
Un
amour
aussi
peu
charnel
est
forcément
teinté
de
morale.
"
Si
la
chasteté
est
un
vice
au
lieu
d'une
vertu,
vous
n'êtes
plus
une
victime,
mais
un
démon.
"
On
décèle
chez
Ducharme
une
quête
d'absolu
implacable,
qui
ne
peut
le
détourner
de
son
idéal.
Ce
désir
de
se
transformer
en
être
immatériel
révèle
une
âme
blessée
d'autant
plus
que
le
héros
a
été
délaissé
par
sa
mère
biologique.
Par
contre,
il
panse
ses
blessures
en
suivant
des
émissions
sportives
à
la
télévision,
en
buvant
de
la
bière
et
en
allant
voir
des
strip-teaseuses.
Cet
air
d'un
Jésus-la-Caille
qui
peut
causer
littérature
dans
une
brasserie
répond
à
son
besoin
évangélique
d'appartenance
à
la
classe
des
bienheureux
perdants
avec
lesquels
il
veut
cheminer
afin
de
ne
pas
être
réduit
au
seul
rôle
de
se
remplir
la
panse
comme
"
la
moitié
des
Américains
que
nous
serons
devenus
"
le
feront.
Devant
l'intransigeance
du
héros,
son
amante
n'a
plus
d'autres
choix
que
de
lui
donner
son
quatre
pour
cent
et
son
vieux
bahut
en
prime.
On
pourrait
toujours
demander
à
l'auteur
ce
qu'il
advient
de
ceux
qui
cherchent
à
être
la
pomme
saine
dans
un
panier
de
pommes
pourries.
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