Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Myre, Suzanne.

Humains aigres-doux. Éd. Marchand de feuilles, 2004, 157 p.

La Vacuité de notre monde

Dans son recueil de nouvelles, Suzanne Myre prend un malin plaisir à dénoncer les conventions des résidants du Plateau Mont-Royal et de la banlieue. Toujours à l'affût des nouveautés qui rendent IN, ils mènent une vie factice qui les vide de leur humanité. C'est le fil conducteur que suit la nouvelliste pour indiquer où le bât blesse dans les sociétés occidentales.

L'œuvre prend son envol avec un dîner d'anniversaire. La narratrice, l'alter ego de l'auteur, précise à quelle enseigne elle se loge. L'alcool aidant, elle s'attaque à la popularité du sushi, aux prénoms empruntés aux feuilletons américains, aux cheveux teints, à l'obsession de la grosseur des seins, à Richard Desjardins dont on doit aimer la voix éraillée, à l'éjaculation précoce qui frustre les femmes, à l'idéal des banlieusards qui rêvent de cabanon. Avec perfidie, Suzanne Myre dresse un inventaire des turpitudes féminines. Afin que l'on avale son huile de foie de morue, elle lui donne un goût aigre-doux en la diluant avec de l'humour.

Les autres nouvelles, plus faibles que la première, soulignent le narcissisme et l'hédonisme des héros. Le perroquet que l'on achète peut devenir rapidement le souffre-douleur des caprices d'un enfant, la réunion de poètes, l'occasion de se mépriser et le colloque de science, un prétexte aux infidélités. La dernière nouvelle fusionne le tout dans un ensemble cohérent. Les héros de presque chacune d'elles font un dernier tour de piste pour recevoir la touche finale de leur personnalité. L'auteur en profite pour stigmatiser en particulier le marchand d'illusions par excellence, le coiffeur de ces dames, un bisexuel qui joue aussi bien du popotin que des ciseaux. Le message est clair : si les belles plumes font les beaux oiseaux, les beaux cheveux ne font pas les beaux cerveaux.

L'auteur s'en prend à notre vacuité sans préciser de voie à suivre. Elle espère que le naturel revienne au galop : accepter ses petits seins, sa calvitie, sa couleur de cheveux… Ensuite ? C'est très limité comme idéal. On sent vaguement que la vie devrait tourner autour d'autrui, mais le recueil est à mille lieues de l'esprit franciscain. Le meilleur de cette œuvre reste l'authenticité du discours. Au-delà de son aspect partiel et de son écriture estudiantine, Humains aigres-doux se distingue par la justesse de l'observation de nos pratiques superfétatoires.