Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Drolet, Patrick.

J'ai eu peur d'un quartier autrefois. Éd. Hurtubise, 2009, 94 p.

Les Années de pensionnat

Si l'enfance est capitale pour le développement harmonieux de l'être humain, l'adolescence l'est tout autant parce que c'est à cet âge que se jouent les orientations. Et souvent, c'est un enseignant qui indique, à son insu, la voie à suivre contrairement à ce que nous pourrions penser. Si à quatre ans, l'enfant veut marier son père ou sa mère, à 15 ans autant qu'à 25, c'est le professeur que l'on idéalise comme le dénotent de nombreux romans tels qu'Enthéos de Julie Gravel-Richard.

Quant à l'œuvre de Patrick Drolet, c'est le frère Fulton qui a joué le rôle de maître à penser auprès du héros alors qu'il était pensionnaire à Rigaud selon les minces indices qu'en donne l'auteur, comme la chapelle en plein air adossée à la colline attenante au collège qu'il fréquentait. Sous forme de diptyque, le second volet, qui couvre les années de pensionnat, éclaire le premier construit autour d'un jeune homme souffrant d'agoraphobie. D'où lui viennent les peurs qui le poussent à s'emmurer dans son appartement pour échapper aux mauvais haruspices dont il se sent victime ? Serait-ce le spectre de son voisin, mort tragiquement, qui hante ses jours et ses nuits en le poursuivant de son " ombre cannibale " ? Quoi qu'il en soit, cette présence pressentie provoque son isolation, qui contribue à la résurrection d'un passé auquel s'attache désespérément le héros pour " combattre la terreur qui a pris logis dans son espace personnel ". Sa quête l'amène à revoir le frère Fulton, avec qui il avait déjà entretenu un échange épistolaire. Est-ce la bonne solution pour s'assurer d'un équilibre, qui le protégerait des affres du gouffre ? Le religieux, si généreux soit-il, n'aurait-il pas causé sa perte ? Les béquilles empêchent les envols. Il faut un jour guérir de ses maux pour " enfin se reposer ".

En somme, le roman démonte, comme une horloge, les obsessions qui paralysent les jeunes à l'aube de leur maturité. À l'instar de son confrère Robert Lalonde, Patrick Drolet vient d'entamer une carrière littéraire, qui s'annonce fructueuse. Son œuvre s'articule dans une langue belle et poétique, mais entachée par les redondances d'un premier volet qui n'arrive pas à se teinter d'onirisme comme l'auteur l'aurait souhaité.