Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Courtemanche, Gil.

Je ne veux pas mourir seul . Éd. Boréal, 2010, 155 p.

Mourir sans avoir aimé

Gil Courtemanche annonçait sa mort prochaine dans Je ne veux pas mourir seul. Atteint d'un cancer du larynx, il s'est livré corps et âme à la lourde machine des cures hospitalières. La maladie l'a finalement vaincu après une courte rémission. Mais de quoi la mort a-t-elle triomphé ou triomphera au moment où il a écrit cette autofiction ? C'est la question à laquelle il répond avant de rendre son lectorat orphelin. Il tenait à préciser les enjeux importants pour les hommes, qui, comme lui, n'accordent pas à l'amour un intérêt de premier plan.

Il a choisi d'analyser comment file la vie ou, plutôt, comment il l'a laissé filer. " J'aime vivre, mais je n'aime pas la vie. " Ce n'est pas un paradoxe. Il s'est offensé de voir que l'humanité a tourné le dos à ce qui devrait l'animer. Il se le reproche au premier chef. Sans aucune pudeur, il reconnaît ses lâchetés, surtout celle qui le retenait de s'approcher d'autrui. Il l'a payé chèrement en recevant un courriel lui annonçant que sa femme le quittait le jour même qu'il apprit le fatidique pronostic. En regardant une photo de son mariage, il s'est rappelé la distance qu'il avait créée entre l'être aimée et lui-même. Jamais il ne lui aurait pris la main en public. Et pourtant, il l'aimait comme aucun homme n'a aimé. Fidèle, malgré des conduites ambiguës, il enseigne que la vie, c'est l'amour.

En fait, ce n'est pas un roman sur la mort. C'est un roman sur la vie. Comme " des cons ", écrit-il, on se tue soi-même avec des milliers de petites morts. Mourir à des milliers de gestes altruistes, comme le propose pourtant Schopenhauer. " L'enfer, c'est nous-mêmes ", aurait écrit Gil Courtemanche.

Il laisse ce bel héritage, qui repose sur l'amour et le don de soi pour connaître une " belle mort ". Se donner à la femme, en ce qui le concerne, parce qu'elle enfante un nouvel homme en s'alliant avec lui. Bref, c'est le plus beau roman sur l'amour, l'amour qui triomphe de la mort comme il en est d'un arbre, qui vit au-delà du trépas de celui qui l'a planté.