Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Annie, Cloutier

La Chute du mur. Éd. Triptyque, 2010, 280 p.

Adolescentes moulées par l'Histoire

Les événements changent la perception que l’on a de la vie et de sa vie. Ce roman le prouve à travers deux adolescentes bouleversées par des moments historiques, qui développent la résilience pour survivre tant au plan physique que psychologique.

En 1989, Liv Simard est une fille de 16 ans, qui mène une vie terne à Notre-Dame-des-Laurentides. Pour s’aiguillonner, elle participe à un échange international. Du jour au lendemain, elle est transplantée à Norderstedt, une ville hanséatique de l’Allemagne. Quel contraste ! Elle se refuse à la vie spartiate de sa famille d’accueil au point de précipiter son retour au Québec peu après la chute du mur de Berlin. Événement jumelé à sa défloration par un jeune, qui l’a violée chez une amie états-unienne, où Liv s’était rendue pour se soustraire à une sortie scolaire.

En fait, l’auteure trace, avec crédibilité, le portrait psychologique d’une fille confrontée à des sentiments qu’elle ne parvient pas à déchiffrer comme tous ses pairs d’ailleurs. Comble de malheur, en revenant au pays, ses parents se séparent ! Elle suit donc son père à Longueuil. Elle y habite jusqu’à la fin de ses études. Études qui la conduisent à Jersey City comme traductrice pour l’ONU en même temps qu’elle devient mère d’une enfant, dont le père ignore la naissance.

Sa vie suit un sentier pavé d’actes aucunement assumés. C’est sous cet angle que le roman prend tout son sens. L’auteure recourt à des événements historiques pour échafauder une allégorie signifiante en invitant son héroïne à détruire les murs, qui l’ont rendue prisonnière d’un fatum allergique à l’amour. Est-ce à Jersey City qu’il surgira ? C’est ce qui explique la raison première de l’établissement de Liv dans la région new yorkaise. Elle espère y fonder une famille avec le père de son enfant, un flambeur allemand, qui se défile devant ses obligations.

Le destin veut que sa fille Sabine marche dans ses pas. Secouée, elle aussi, à l’adolescence par un événement marquant, soit l’effrondrement des tours du World Trade Center, elle tente de se reconstruire à l’instar de sa mère pour échapper à cet acte terroriste, qui ébranle les valeurs américaines auxquelles elle adhère. Le parallèle entre la mère et la fille démontre, peu importe les générations, que l’âge de la majorité n’est pas expédié avec la maturité. Elle arrive à point nommé en empruntant les malheurs de l’Histoire pour indiquer les sentiers à éviter.

Comme dans Ce qui s’endigue, l’auteure emprunte la comparaison entre deux femmes qu’elle suit en alternance pour comparer leurs parcours de marathoniennes. Procédé ennuyeux, mais l’authenticité protège ce roman populaire de qualité sur la genèse dans laquelle s’enracine toute vie adulte.