Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Caccia, Fulvio.

La Coïncidence. Éd. Triptyque, 2005, 133 p.

La Tuerie à la Polytechnique

Marlon Brando dans Le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci s'amourache d'un jeune bourgeoise venue louer un appartement, mais que le secret de leur identité sépare. À moins d'être un César, nous subissons en silence la distance que le Rubicon maintient entre les sexes. Notre incapacité d'établir des rapprochements harmonieux génère souvent des drames qui se dénouent dans le sang. La tuerie survenue le 6 décembre 1989 à l'École polytechnique de Montréal en est une illustration éloquente. Fulvio Caccia s'est penché sur cet événement pour faire ressortir le mécanisme à l'origine de cette folie meurtrière qui s'est tournée contre les femmes. Un tel geste ne peut qu'ébranler l'entourage du tueur et des victimes, souvent obligé de recourir à de l'aide professionnelle pour s'en remettre.

Pour creuser ce fatum digne des tragédies grecques, l'auteur exile à Paris la jeune Leila, qui connaîtra Jonathan en sous-louant son appartement. Le premier volet du diptyque présente très longuement, trop même, des protagonistes attirés l'un par l'autre sans savoir qu'ils ont vécu en fait un drame commun. Curieuse coïncidence, tous deux viennent de Ramontel (anagramme de Montréal). Ils s'isolent dans la Ville lumière pour panser leurs blessures. L'ailleurs n'est pas la panacée des cœurs éclopés. Ce cataplasme est inapte à apaiser la douleur du deuil que les héros portent comme un boulet. Leur communion pourrait peut-être vaincre les réticences qui les tiennent à l'écart de l'autre sexe. Mais hélas, ils continuent de faire tourner la roue de la violence en se précipitant vers un dénouement tragique pour résoudre la différence. Dans ce contexte d'aberration, la mort leur apparaît donc comme l'unique solution aux maux de l'âme.

L'auteur sert une mise en garde contre les agents perturbateurs qui fourbissent les armes des ténèbres. Cette vision manichéenne est rendue avec une écriture toute simple, mais elle diffère entièrement au second volet. Comme un dramaturge, Fulvio Caccia laisse tomber le narrateur anonyme au profit d'un " je " pour que tombent les masques qui interdisaient jusque-là l'accomplissement d'un sombre destin. Ce roman se prêterait, somme toute, facilement à une mise en scène au théâtre, voire au cinéma.