Paul-André Proulx

Littérature Québecoises



L'Âge de plomb. Éd. Point de fuite, 2003, 147 p.

L'Univers de la vieillesse

On qualifie d'âge d'or le cycle de la vieillesse. Si l'on se penche sur la réalité qui l'entoure, il faudrait peut-être le caractériser " d'âge de plomb ", tel que le titre de l'œuvre le laisse sous-entendre. Quand ce n'est pas la maladie qui hypothèque la qualité de vie, c'est la mémoire rongée de mauvais souvenirs qui s'insinue dans les consciences pour faire réaliser que l'existence débouche sur un fatum dérisoire, comme le précise l'évangile : " Homme, tu es poussière et tu retourneras à la poussière. "

Ce roman serait une méditation découlant de cet aphorisme apte à nourrir les dépressifs. Marcellin, le héros, est un vieil homme qui a travaillé toute sa vie au bureau de la comptabilité de la Wonderland. Sa vie s'est limitée à des allées et venues entre sa maison et l'entreprise pour laquelle il travaillait. Son emploi remplissait toute sa vie. À la retraite, sa femme a pris le relais de l'employeur pour protéger le caractère infantile de son mari. Elle en a fait son enfant, l'emmurant pour le protéger contre tous les maux réels et imaginaires, situation que l'on retrouve dans L'Enfant qui rêvait d'être un arbre de Claude Daigneault. Marcellin n'est pas inconscient de son vécu. Ça l'arrange même. Ça lui laisse du temps pour rêver et philosopher sur son existence. Il constate qu'il n'a été qu'un grain de sable dans le désert. Il n'a pas " vraiment vécu, dans le fond. Existé, à peine... Et encore... " Son seul regret, c'est de ne pas avoir assez profité de sa vie sexuelle.

Le caractère du héros est mis en relief par un environnement dévolu aux romans noirs. Corps visqueux vivant dans un château d'arthropodes, rideaux tirés, odeurs pestilentielles caractéristiques des lieux habités par des incontinents. Le héros s'enfonce dans un univers un peu plus répugnant chaque jour, se réfugiant finalement au sous-sol, où il vit comme un cloporte avec sa femme atteinte d'un cancer. Bref, l'auteur ne lésine pas sur les moyens pour provoquer la nausée.

Ce roman présente la vieillesse sous un angle extrémiste pour faire ressortir l'univers clos des aînés, souvent abandonnés par leurs enfants, comme c'est le cas pour ce couple. L'écriture, qui trahit l'origine hexagonale de l'auteur, est adaptée au point de vue. Les envolées métaphoriques sont évocatrices d'un monde qui ne nous distingue pas de la gent chitineuse. Il faut de l'humilité pour lire ce roman et un goût pour le cynisme. Mais le plus embêtant vient des écarts syntaxiques. Les pronoms n'ont pas d'antécédents, ce qui nous oblige de compter sur le contexte pour identifier les sujets qui appartiennent souvent au monde de l'actualité. Malgré tout, c'est riche et intéressant si l'art de se raconter ne vous ennuie pas. Dans La Vieille du vieux, France Ducasse a traité le même thème sous un angle fantastique.