Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Ness, Clara.

La Genèse de l'oubli.
Éd. XYZ, 2006, 116 p.

Comment couper le cordon ombilical ?

Dans certaines cultures, la vie est marquée par de nombreux rites de passage. Au Québec, on pense au bal des finissants du cours secondaire. À l'aube de leurs 18 ans, les jeunes soulignent la fin de leur adolescence en s'inspirant des fêtes du jet set. C'est une manière de couper le cordon ombilical pour liquider les projections parentales qui, souvent, contredisent leurs aspirations.

C'est le cas du jeune couple du roman. Hadrien est un Parisien qui a fui un père égoïste pour joindre le rang des chauffeurs de taxi de Québec. Il s'offre l'Amérique au volant d'une Thunderbird, symbole de la réussite par excellence après la Cadillac. Afin de se reposer de ses longues courses, il se paie des massages que lui prodigue Ariane, qui a quitté, elle aussi, sa famille étouffante de Ste-Foye. Les moments de détente de ce client enflamment suffisamment le cœur de la kinésithérapeute pour le suivre dans un trois et demi du quartier populaire de St-Roch, où naît la petite Lili.

Le passage obligé de leur maturation s'achève à la mort du père d'Hadrien. Cet élément déclencheur amène les héros à s'interroger sur les relations qu'ils doivent entretenir avec leurs parents. Leurs réflexions transcendent le comportement à adopter à leur égard. Ils se posent plutôt la question angoissante de Diane-Monique Daviau dans Ma mère et Gainsbourg, à savoir l'effet de leur genèse, souvent oubliée, sur la personnalité. En plus des traits physiques, dans quelle mesure hérite-t-on des traits de caractère? Tel père, tel fils, dit la maxime. La crainte de se reconnaître dans ses géniteurs pose un dilemme qu'on ne peut résoudre par la haine comme André Gide si l'on veut s'aimer soi-même.

Cette novella forme un diptyque qui montre en parallèle le cheminement d'Hadrien et d'Ariane. Clara Ness emprunte le décor de la ville de Québec pour établir leur dualité à travers de courts chapitres qui relancent la suite par d'excellentes chutes. Cette facture crée un suspense intéressant, dont le dénouement, malheureusement, s'avère décevant. Sans cette faiblesse et les thèmes à peine effleurés comme les distinctions culturelles, on pourrait comparer ce roman aux œuvres de Jacques Poulin à cause du manque d'empathie qui nuit aux rapprochements.