Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Philippe, Louis.

La Guerre est une page blanche. Éd. Les Intouchables, 2005, 188 p.

Adolescentes de Bosnie violées par des soldats serbes

Associé à l'OTAN, Louis Philippe a travaillé en Bosnie-Herzégovine avant d'écrire ce roman inspiré du viol de trois adolescentes par des soldats. L'auteur se sert de ces agressions pour approfondir les motifs qui poussent des hommes droits à contrevenir aux lois les plus élémentaires de la morale en temps de guerre. L'occasion fait le larron est une maxime qui semble s'appliquer parfaitement à cette circonstance, comme l'a démontré aussi Jean Barbe dans Comment devient-on un monstre?

Les jeunes protagonistes d'un village de la Bosnie se rendent au hameau voisin à travers la forêt minée pour échanger du savon contre des médicaments. En cours de route, elles rencontrent trois soldats serbes qui balisent un sentier sûr en prévision d'une attaque ultérieure. Emmenées au camp, elles sont prises en charge par le commandant qui leur réserve un accueil convenable. La sauce se gâte quand se pointe le Dr Milosrde, le tortionnaire chargé de leur soutirer des renseignements au moyen d'électrochocs. Pendant son séjour au camp, les soldats ne peuvent plus jouir du laxisme du commandant préoccupé de créer une bonne impression auprès de ce médecin, mandaté aussi pour juger son travail. Après son départ, ils retrouvent leurs privilèges qu'ils célèbrent par une soûlerie générale. Ce débordement connaît son apogée alors qu'ils décident d'un commun accord de violer à tour de rôle les adolescentes avant de les consumer sur un bûcher.

L'auteur analyse le mécanisme psychologique qui transforme les soldats en montres d'horreur. En groupe, l'esprit critique et le remords n'ont plus de prise sur leur comportement. Le viol apparaît alors comme une stratégie susceptible de conduire à la victoire. Malheureusement, les victimes deviennent, malgré le contexte, des parias aux yeux des leurs parce qu'elles portent les stigmates du camp adverse. Ce roman pénètre en somme un univers où le geste collectif dégage de toute responsabilité personnelle. Même si l'écriture n'est pas toujours très coulante, l'œuvre, elle, coule comme une source vers le dénouement.