Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Chassay, Jean-François

Laisse . Éd. du Boréal, 2007, 188 p.

Retrouver l'animal en soi


Jean-François Chassay s'est penché sur les relations entre maîtres et chiens. Son roman ne sera pas adapté au cinéma par Walt Disney. Il n'apparaîtra pas non plus dans les iconographies sur la gent renifleuse. Toutes races confondues, qui, de l'humain ou de la bête, est l'espèce dominante? C'est le dilemme auquel l'auteur répond. Les anthropomorphistes seront déçus. Il s'agit de chiens normaux, qui ont suivi le cours 101 sur la race canine. Ils affichent de beaux crocs, et aucun vœu de chasteté ne restreint leur instinct sexuel.

Le Journal de Montréal une fois lu, les maîtres partent avec leurs bêtes, plutôt imposantes et affolantes. On y rencontre, en autres, un doberman et un mâtin du Tibet. Pas la partie du jour, mais un chien aussi gros qu'un poney. Eux aussi viennent lire leur journal en reniflant ce qui s'est passé au pied des arbres depuis la veille. Tout le monde bien renseigné, c'est l'heure du happy hour par un matin neigeux. Sans laisses, les clébards s'en donnent à cœur joie dans un parc montréalais avec vue sur la montagne. On lève la patte, on se " couraille ", on se monte... Une belle vie de chien! Les maîtres devisent avec un peu moins de convivialité. C'est bien connu, les bipèdes déplumés ont l'art de se " bitcher " derrière des façades de civilité. Mais la résilience vient à bout des chocs. Un vétérinaire rassure le propriétaire sur la mauvaise réputation de son doberman. Le chien comme l'homme naissent bons. Rousseau l'a dit. Dans Tous les chats, tous les chiens, Konrad Lorenz précise que les animaux se conduisent plutôt comme le veut l'aphorisme " tel maître telle bête ". Bref, on se dédouble dans son animal. Comme un anxiolytique, ce compagnonnage réduit l'angoisse du cynophile grâce aux accommodements raisonnables qui assurent les besoins primaires de la gent canine en échange de sa domesticité.

Derrière le parallèle entre ces deux ordres de vertébrés se profile une humanité dont les travers nous rabattent le caquet. Expliquez que le fait de porter une casquette sens devant derrière prouve les progrès de l'humanité? Les snobillards du Plateau Mont-Royal, qui se considèrent comme le nec plus ultra du Québec selon l'auteur, fronceront les sourcils en lisant son roman qui nous exhorte à s'inspirer de la sagesse des bêtes. Comme Pierre Crépeau dans Kami, mémoires d'une bergère teutonne, Jean-François Chassay démontre que le compagnon de l'homme est parfois plus humain que le bipède vaniteux.

Ce diptyque est fort dépaysant. Le premier volet ressemble à un recueil de nouvelles qui présente maîtres et chiens en neuf chapitres. Le tout est suivi d'une longue narration magmatique de leur rencontre au parc. C'est redondant, voire lourd, même si l'auteur allège son oeuvre d'un humour qui, malheureusement, manque souvent la cible. Malgré les bémols, ce roman original illustre bien notre société individualiste.