Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Dupont, Éric.

La Logeuse. Éd. Marchand de feuilles, 2006, 298 p.

Pour un Québec nouveau

Les jeunes idéalistes aspirent souvent à un monde nouveau qu'ils veulent eux-mêmes instaurer. Ils quittent donc leur terre natale pour œuvrer au salut de l'humanité. Comme dans La Clameur des ténèbres de Neil Bissoondath, l'héroïne d'Éric Dupont abandonne la Gaspésie pour Montréal afin d'y trouver le vent qui insufflera une vie nouvelle à sa région.

Rosa Ost s'installe chez Jeanne Joyal, la logeuse qui défend avec acharnement l'idéal d'antan que combat avec autant d'acharnement la jeune Gaspésienne. Tournée résolument vers l'avenir, elle lutte contre le " je me souviens " pour un " je deviens " ouvert sur autrui. À Montréal, Rosa se sent très à l'aise avec tous ses pairs venues, souvent illégalement, de partout comme péripatéticiennes ou comme effeuilleuses. Son rêve s'applique à tous sans distinctions. Pour atteindre son objectif, elle tente de se débarrasser des chaînes qui la retiennent au pilori du passé. Elle rêve d'un royaume où les hélices des éoliennes tourneront à plein pour fournir l'énergie nécessaire au développement.

Ce conte politique manifeste un imaginaire débordant qui cristallise, dans une allégorie éblouissante, la voie que le Québec devrait emprunter. L'auteur recourt à l'humour pour contourner les bonzes d'une souveraineté narcissique. Comme Gilles Vigneault qui clame que tous les humains sont de sa race, Éric Dupont propose une ouverture d'esprit qui débouche sur un multiculturalisme qui n'effaceront certes pas les conflits identitaires. Quoi qu'il en soit, ce roman brillant et respectueux du langage gaspésien soulève des interrogations pertinentes. Hélas, ce questionnement se perd dans un foisonnement d'idées que les jeunes auteurs ne parviennent pas à trier. Ainsi jettent-ils le bébé avec l'eau du bain.