Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Plante, Louise.

La Mémoire suspendue. Éd. Fides, 1999, 174 p.

La Maladie mentale chez les femmes

Dans ce magnifique roman, Louise Plante aborde les conditions féminines des années 1940 à travers l'histoire d'une famille ouvrière de Montréal. Le projecteur est dirigé vers l'une des filles qui marie, pour sa perte, un joueur compulsif. Cette union se solde en peu temps par l'internement de la jeune femme qui ne recouvrera jamais sa santé mentale. À sa mort, on confie à un neveu le journal qu'elle a laissé à sa sœur. Il est bouleversé par ce qu'il apprend.

L'auteur trace le portrait des femmes de l'époque. Si elles réussissent à atteindre le marché du travail, elles sont confinées aux travaux les plus humbles et les plus mal rémunérés. En fait, seules les " manufactures " les accueillent au sein de leur personnel. Il s'agit d'entreprises de confection de vêtements, aujourd'hui presque disparues à cause de l'importation. Ne jouissant d'aucune considération au niveau du monde du travail, elles n'en ont pas beaucoup plus aux yeux de leur mari.

Ces conditions rendent l'héroïne neurasthénique et finalement névrotique. Les asiles, comme on les appellait à l'époque, débordent de ces femmes perturbées par leur situation d'infériorité. Quand la maladie mentale les frappe, c'est la honte de la famille. Il faut cacher la vérité. Au mieux, on parle d'un mal imaginaire. Mais la plupart du temps, on oublie l'existence de ces femmes confiées à des hôpitaux, tous dirigés par des religieuses peu enclines à la pratique de la charité chrétienne. On en a une illustration dans le dernier film de Denise Filiatreault, qui a porté à l'écran la vie d'Alys Roby, une victime de l'époque.

Ce roman magnifiquement charpenté et écrit éclaire une décennie dont certains sont nostalgiques. Or, la vie n'était pas à la réjouissance même si la Deuxième Guerre mondiale a représenté des années fastes pour l'économie du Canada.