Paul-André Proulx

Littérature Québecoise

Cloutier, François.

L'Amour en panne. Éd. du Choucan, 1998, 157 p.

La Criminalité élevée au rang des universaux

Quand quelqu'un commet un crime, on s'arrête rarement au motif qui l'a généré. On y jette un regard factuel, surtout quand il s'agit d'un acte commis contre des enfants sans défenses. Qui abuse d'eux? Qui tue sa conjointe? Les réponses serviraient sûrement à réduire le nombre de gens susceptibles de développer une dynamique vengeresse pour régler un passé douloureux sur le dos d'autrui. C'est bien connu, on sert aux autres la médecine dont on a été victimes. Les drames criminels sont inexcusables, mais des connaissances pointues faciliteraient le recours à des interventions qui parerait la déviance avant qu'elle ne se traduise en gestes concrets.
Le psychiatre François Cloutier exploite ce sujet dans son roman L'Amour en panne. Il s'inspire d'un cas auquel il a dû faire face en cabinet privé. Un jour, quelqu'un se présente à lui comme le meurtrier de sa femme. Cette brève rencontre est l'élément déclencheur d'un examen de la violence des hommes. En fait, le héros du roman, c'est le médecin qui, se sentant une affinité obscure avec son patient, examine son propre passé afin de se comprendre lui-même davantage.

On sent la formation de l'auteur à travers cette analyse qui révèle les éléments typiques responsables de la conduite délinquante des hommes. À ce chapitre, on n'apprend rien de nouveau : père absent, fils manqué. La formule est bien connue. Et quand l'absence se double de mépris, de jalousie et d'expériences dévalorisantes, la combinaison donne des résultats catastrophiques. De cet examen des motivations humaines, le héros en conclut que la violence est inscrite dans le cœur du mâle comme un atavisme génétique. En somme, un assassin sommeille en chacun des êtres de sexe masculin. En vivant avec un homme, la femme met donc sa vie en danger puisque l'amour est " un compte à régler entre l'homme et la femme, une querelle inscrite dans la nature humaine, conséquence d'un long itinéraire, à travers les formes plus ou moins différenciées, de l'amibe au poisson à branchies, du primate à l'hominien ".

Ce discours risque d'être mal accueilli, car il élève la violence au rang des universaux. Cette explication du crime occulte les ressources à la disposition de l'homme pour fuir ses déterminismes, à partir justement des connaissances toujours accrues de la psychologie. Il semble que l'auteur ne fasse pas tellement confiance à sa science et à celle des autres disciplines qui favoriseraient un meilleur encadrement de notre existence. Si César le rencontrait, il lui dirait sûrement comme il a dit à son fils Brutus : " La faute n'est pas dans nos astres. " Bref, ce roman est un mauvais polar qui trempe dans les eaux sales de la psychanalyse.