Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Morisset, Micheline.

La Musique exactement. Éd. Québec Amérique, 2006, 179 p.

Une enfance gaspésienne

C'est à Ste-Anne-des-Monts en Gaspésie que nous convie Micheline Morisset. Son héroïne y a vécu jusqu'à vingt ans avant de suivre des études en arts. Prise entre une mère introvertie, un père extraverti et une tante acariâtre, Luce connaît une enfance triste et plutôt solitaire. La trame du roman s'appuie sur la vie de cette famille marquée par les absences paternelles. Chanteur professionnel, le père fait carrière à Montréal. Son retour au foyer sonne le début de la récréation. La mère revêt sa robe bleue, et la fillette l'attend dehors pour l'accompagner par la main jusqu'à la maison.

L'auteure retrace l'histoire d'une enfant abandonnée à ses angoisses. La mère s'est réfugiée dans son rôle de reine du foyer, et le père dans sa musique, " la musique exactement " qui a privé les siens d'une âme au sein de la famille. Leur existence s'est donc organisée autour de non-dits qui ont refoulé le bonheur aux oubliettes. Derrière ce destin se cachent des rêves brisés, des déceptions qui ont terni l'auréole des parents. Luce sait leur pardonner parce qu'elle a compris avec le temps que sa mère a marié un homme qui ne l'aimait pas, et que le comportement volage de son père compensait pour la défiguration de son frère qui lui interdisait toute séduction. À 52 ans, alors qu'elle s'amène en Gaspésie pour conduire sa mère dans un hospice, elle s'accorde " une paix d'usage ", comme dirait André Ricard, en reconnaissant notre vulnérabilité devant les conditions humaines.

Comme Sébastien Chabot et Nathalie Loignon, Micheline Morisset traitent de relations parentales. Son roman transpose la destinée d'une enfant mal-aimée dans une petite musique tout en douceur, tendresse et compréhension du cœur humain. En le lisant, on croirait entendre en écho le " Ah! vous dirais-je chère maman " de Mozart.