Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Caron, Pierre.

La Naissance d'une nation (Vol. 1 : Thérèse). Éd. VLB, 2004, 630 p.

Montréal au 17e siècle

Le roman historique a l'avantage de présenter le passé sous l'angle du vécu. Il s'éloigne des événements politiques et militaires répertoriés par les historiens patentés pour s'attacher à la vie de ceux qui les ont subis. Celui de Pierre Caron illustre le quotidien des Montréalais du 17e siècle, qui ont vécu entre 1663 et 1695.

Sous la gouverne pas toujours éclairée des responsables politiques, religieux et militaires, des défricheurs et des artisans heureux d'avoir quitté la France se construisent une nation dans le plus grand dénuement sous un climat rigoureux qui, chaque année, provoque des pertes humaines importantes. Cette population vaillante tente de s'organiser une vie intéressante sans trop compter sur l'aide de la mère-patrie, peu intéressée par ses quelques arpents de neige. Cet établissement exige du courage, d'autant plus que les habitants doivent assurer leur protection contre les attaques compréhensibles des Indiens dont on a usurpé les terres.

Au niveau de l'Histoire officielle, le roman répète les turpitudes enseignées à l'école. Maisonneuve, le fondateur de Montréal, est l'équivalent de Superman, les chasseurs d'Indiens méritent notre considération parce qu'ils sauvegardent la colonie et les autochtones naissent avec l'atavisme de la méchanceté. Heureusement que l'auteur accorde davantage de place aux colons en choisissant de revisiter leur quotidien et leurs amours à travers Thérèse et sa fille Marie-Ève, deux femmes au caractère impétueux qui savent se faire craindre des hommes. Mais, en amour, les haruspices ne leur sont pas très favorables

Le premier volet du roman est consacré à ces premiers Montréalais qui ont dû trimer pour survivre. La terre ne produit pas sans défrichement, et on défriche en courant le risque de se faire atteindre par une flèche iroquoise. La première partie souligne, avec complaisance, les terreurs d'une fondation en milieu hostile. Pourtant, on avait conseillé au fondateur de la ville de choisir un autre emplacement, mais il avait répondu qu'il s'y établirait même si " tous les arbres se transformaient en sauvages ". Le deuxième volet débute avec l'année 1677. C'est Marie-Ève qui en est la principale protagoniste. À travers son histoire, on s'initie aux techniques du temps, aux activités économiques, aux loisirs, aux politiques préconisées, en particulier à celle de la natalité qui imposait le mariage à tous pour peupler la colonie.

L'auteur parvient difficilement à tenir toutes les ficelles de ce roman laborieux, destiné au grand public. Heureusement, l'écriture est limpide et élégante, sans transcender par contre celle d'un bon étudiant. Parmi les œuvres historiques récentes sur Montréal, L'Esclave de Micheline Bail et Jour de feu, un polar de Pierre Turgeon, m'apparaissent plus pertinents.