Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Nicol, Patrick.

La Notaire. Éd. Leméac, 2007, 133 p.

L'Enfance dorée d'un garçon blond

Tino Rossi chantait que " la vie commence à soixante ans ". En attendant, on piétine dans l'enclos que l'on se construit. Le héros de 40 ans s'ennuie de la vie qu'il mène. Il s'est attaché à une femme qui l'aime, mais qui ne le comble pas.

Comme il a été un enfant roi, admiré de tous pour ses cheveux filasse et dorloté par ses nombreuses sœurs, il ne peut ressentir que des manques à son endroit. Il se prend pour le nombril du monde, devant lequel tous doivent s'incliner à cause de sa tignasse blonde. En bas âge, il lui est facile de monopoliser l'admiration d'autrui, mais à force de vivre sur cet élan, il crée un vacuum autour de son auguste personne, d'autant plus qu'il se fatigue rapidement des liens qu'il noue.

Il se coupe de sa famille après ses études et met fin à son couple sans préavis. Quadragénaire, il se retrouve seul. Pour renouer avec la gloire de son enfance, il s'achète une maison dans la rue Kennedy à Sherbrooke, où il a vécu sa prime jeunesse. Il réalise rapidement que l'effet escompté est inopérant. Il ne reconnaît pas les gens qu'il avait jadis côtoyés. L'inverse est aussi vrai. Dans son logis trop grand pour lui, il ne peut que se remémorer les souvenirs attachés aux choses qui l'entourent, comme la " shed " où il s'était initié à l'intimité féminine. Il est devenu en somme une espèce de zombie à la mémoire fragmentaire. Un mort vivant que tente de ressusciter la notaire qui lui a fait signer son acte d'achat.

Pour le sauver, elle est prête à se laisser séduire. Elle réalise rapidement que l'amant est trop épris de lui-même pour s'abandonner à l'amour. C'est un homme qui cherche à plaire sans s'engager. Autrement dit, il s'offre uniquement comme enjeu à une course au trésor. Orphelin de père, il n'a pas eu de modèle sur qui s'aligner. Sa notaire tente quand même de le secouer pour qu'il s'évalue à sa juste mesure. Rien n'y fait. C'est un homme enfant, incapable de s'unir à une femme pour atteindre des objectifs communs.

L'égocentrisme de la gent masculine passe par le creuset de la psychologie. Avec une écriture sans fioritures, l'auteur propose une œuvre féconde, mais complexe, qu'apprécieront particulièrement les freudiens. Bref, les prémisses débouchent sur des conséquences rattachées à un passé nébuleux, responsable des malaises d'un héros inapte à s'impliquer dans une relation.