Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Corbeil, Guillaume.

L'Art de la fugue. Éd. L'Instant même, 2008, 139 p.

L'Éloge de la fuite

Baudelaire a été frappé par le vol majestueux de l'albatros en quête d'un banc de poissons. Mais " ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule " quand il aborde la terre. Comme le poète, Guillaume Corbeil saisit l'humanité en plein vol. Une fuite pour un ailleurs qui ne sent pas le naufrage d'Émile Nelligan.

En somme, ce recueil de nouvelles est une invitation au départ. Pas n'importe lequel, celui qui répond aux questions existentielles. Voyage qui précise en somme les contours de notre finitude. L'océan est une étendue d'eau qui semble infinie, mais elle n'est entourée que de terre. Et celui qui traverse l'océan de la vie doit se fier aux relais qui, de phare en phare, conduisent à bon port. Cet éloge de la fuite s'inscrit dans la découverte d'une humanité de tous les horizons. La Genèse nous dit que Dieu a créé l'univers en six jours, mais elle ne dit pas ce qu'il faut y faire. L'auteur a cru bon de lui ajouter une " annexe ". Elle manquait grandement. L'humanité ne serait-elle qu'un magma dans une vallée de larmes ? Doit-on clamer la misère comme Job sur son tas de fumier ? Il faut se regarder aller comme dans un miroir pour apprécier la manière de s'y prendre pour affronter le mouvement qui porte la finitude.
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Le recueil est construit comme une fugue qui ramène toujours le thème de variation en variation. Cette structure littéraire empruntée à la musique pourchasse l'humanité en quête de sa destinée, comme Schubert suit la course de la truite qu'il perd de vue entre les récifs, mais qui réapparaît à la reprise du thème. Oeuvre éblouissante certes, mais œuvre de jeunesse écrite pour épater la galerie, comme le travail d'un bon étudiant qui veut se faire valoir aux yeux de son professeur. L'écriture éclatée est empreinte d'un maniérisme qui multiplie des répétitions fort peu élégantes. L'auteur n'a pas atteint la sagesse de Daniel Boucher1, qui se demande où sa gang de malades " est donc où " pour affronter les marins infâmes qui profanent l'existence et que dénonce Baudelaire à travers l'albatros.

1 Je vis dans mes valises
Quessé qu'tu veux j'te dise
C't'une maladie
Je suis en voyage
Je suis un volage
J'passerai pas ma vie de même
Ça m'tente pas, j'ai pas l'goût
Je cherche des guerriers
Des déjoueurs de menteries