Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Carbonneau, Michel.

Le Banc de l'orphelin. Éd. Mahéli, 1998, 383 p.

La Chasse aux phoques aux Îles-de-la-Madeleine

Natif des Îles-de-la-Madeleine, Michel Carbonneau est l'auteur tout désigné pour traiter de l'épineux problème de la chasse aux phoques. Chaque printemps, les glaces qui dérivent s'arriment aux rivages d'où les Madelinots partent dans l'espoir d'accroître quelque peu leurs revenus grâce à la vente de la fourrure des mammifères marins. Le roman se situe à la veille de la dénonciation de cette pratique par Brigitte Bardot.

L'auteur s'est inspiré d'un fait vécu survenu près du banc de l'orphelin, haut-fond situé au nord de l'archipel. C'est à travers Érik que nous découvrons la mentalité des pêcheurs, dont quelques-uns se transforment en chasseurs, deux semaines par année, à l'arrivée des phoques venus pour la mise bas de leurs petits. Le héros est le fils aîné d'une famille qui vit uniquement de la pêche aux homards et aux harengs. En dehors des périodes de pêche permise, presque toute la population s'endette pour survivre. Pour venir en aide aux siens, Érik décide d'affréter l'Ariès pour aller chasser au large avec un équipage qu'il a formé. À la vue des milliers de phoques rassemblés sur le banc de l'orphelin, c'est l'euphorie. Mais le retour, retardé indûment, travestira leur plaisir en cauchemar.

L'œuvre fait ressortir la précarité de ces insulaires asservis à une richesse en décroissance. Les Madelinots sentent que leur avenir est en péril à moins que le tourisme se substitue à une source de revenues menacée et décriée de toutes parts. Ce volet social est enrichi par la psychologie des personnages que l'auteur éclaire sous une lumière qui met en relief le contraste des personnalités. Les différences apparaissent à travers une langue chaleureuse et respectueuse des idiomes savoureux de la population. Convenant à un vaste public, ce roman d'aventure au suspense bien ficelé est une bonne démonstration de l'intégration des éléments informatifs à l'art romanesque.