Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Caron, Louis

Le Canard de bois. Éd. Boréal Express, 1981, 327 p.

Nicolet au X1Xe siècle

Louis Caron est un auteur qui a tracé à sa manière l'histoire du Québec. Le Canard de bois est le premier tome qui ouvre la série consacrée à son objectif. Il ne s'agit pas d'une œuvre à proprement historique. Elle fait plutôt revivre notre passé à travers un dénommé Bellerose, un homme qui s'est établi à Nicolet, une petite ville située en bordure du Saint-Laurent, non loin de Trois-Rivières.

Ce héros arrive en transportant ses biens en traîneau. C'est toute la vie nicoletaine qui sera évoquée. Il faut savoir que, ce faisant, l'auteur raconte une histoire qui ressemble à celle de toutes les agglomérations du Québec. On y rencontre les mêmes problèmes comme celui des rapports avec le seigneur de l'endroit, en l'occurrence un dénommé Smith. En gros, on présente les activités d'une communauté aux prises avec les difficultés d'une ville rurale en pleine expansion, mais quand même une ville qui vit dans une relative sérénité jusqu'au jour où les nationalistes manifestent leur opposition aux envahisseurs anglais. Sensible à la souveraineté des siens, le héros joindra la troupe des patriotes, dont plusieurs seront pendus ou déportés en Australie. Parallèlement à ce fond historique, l'auteur raconte l'histoire d'un descendant de cette famille, un bûcheron au service d'une papetière qui déboise dangereusement le Québec. La mort le remmène à la maison pour qu'on lui remette le canard de bois, symbole de la lignée des Bellerose qui ont construit le Québec et qui ont chassé ce bel oiseau si abondant aux abords de Nicolet.

Le roman couvre la première moitié du 19e siècle, qui s'est soldée militairement par l'humiliation des Québécois. Son charme est issu du don de conteur de Louis Caron, qui connaît bien cette ville pour avoir vécu dans le Rang-de-l'Île. On sent son plaisir à raconter cette histoire qui implique la population nicoletaine à laquelle appartiennent les siens, connus pour leur don en architecture. L'écriture ne renversera personne, mais elle sait être captivante. Cette œuvre présente une image différente des Québécois, trop souvent décrits comme des paysans qui exploitent péniblement un lopin de terre à peine productif. On peut lui être gré d'avoir fait ressortir notre dynamisme, comme Anne Hébert qui couvre la même époque dans Kamouraska. Contrairement à Louis Hémon, Caron a opté pour des bâtisseurs qui ont fait bouger le Québec.