Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Martin, Luc.

Le Ciel de Windigo. Éd. Varia, 2004, 234 p.

La Découverte du père

Le titre souligne le mystère qui auréole Windigo, un petit village de la Haute Mauricie, construit en dehors des grands axes routiers. Pour s'y rendre, il faut plonger dans une nature sauvage, parsemée de rivières et de lacs. La beauté de cet environnement camoufle cependant l'emprise des mauvais esprits, tels que Windigo, sur la population.

Ça n'empêche pas les Américains et les Canadiens anglais de s'y réunir dans des chalets luxueux pour se livrer à la chasse ou à la pêche. Eux seuls ont accès à cette richesse car ils ont su obtenir des gouvernements l'usage exclusif des lacs et des forêts du Québec. Ce n'est que récemment que les clubs de chasse et pêche privés ont perdu leur privilège. Cette toile de fond sert de recherche à un jeune étudiant en histoire qui s'est vu confier par son professeur la mission de répertorier les documents pouvant établir le profil d'une région spoliée par les entreprises de pâte et papiers ainsi que par les membres des dits clubs.

Son travail le conduit à son insu à la mort de son père survenue par une journée de tempête alors qu'il quittait justement un club de pêche aux commandes de son hydravion, nolisé souvent pour le transport de ces spoliateurs de nos richesses naturelles. Dans la tête du jeune étudiant, une alerte a sonné. Quel lien unissait son père à ces potentats, aucunement gênés de recourir à la criminalité pour atteindre leurs objectifs? Cette question le taraude tout au long de sa recherche. Le jeune Valois, orphelin depuis l'âge d'un an, espère établir le chaînon manquant entre son père et lui, comme Pascal Roze l'a fait dans Chasseur Zéro.

Ce qu'il apprendra ternira évidemment l'image idéalisée qu'il s'était faite de sa famille et de la société en général. Il devra prendre parti à l'égard des événements peu glorieux qui émaillent l'histoire des siens et des notables de sa région. Situation doublement embarrassante en raison de ses sentiments amoureux à l'égard de la fille de l'un de ces prédateurs. Dilemme qu'il parviendra à trancher grâce au bibliothécaire et aussi maire de Rapide-aux-Pères, le village voisin de Windigo. Ce roman rejoint l'esprit du classicisme. La Mauricie offre une unité de lieu, et les jeunes héros effacent le temps puisqu'ils sont reliés par des parents qu'il faut sauver du déshonneur. Le Cid revisité dans la forêt boréale.

Luc Martin s'est servi d'un fait historique, les clubs privés de chasse et pêche, pour raconter une histoire de filiation aux relents policiers. Son matériel repose sur des assises solides, mais on ne peut en dire autant de l'écriture. Elle ne porte pas la marque personnelle d'un bon auteur. Lourdeurs, tentatives d'humour ratées et dialogues parfois ennuyeux gâtent un peu le plaisir de lire cette œuvre au caractère parfois naïf. Le romancier a manqué de véhémence envers les exploiteurs et d'originalité pour établir les liens affectifs. Mais comme Christiane Duchesne dans L'Homme des silences ou comme Sylvain Trudel dans La Terre du roi Christian, il signale avec pertinence l'importance du père pour ancrer ses repères.