Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Brouillet, Chrystine.

Le Collectionneur. Éd. La Courte Échelle, 1995, 215 p.

Un tueur en série à Québec

Les tueurs en série ont la faveur des auteurs de polars. Les mobiles de ces psychopathes s'enracinent dans un terreau qui a l'effet des sables mouvants. On entraîne dans la mort des innocents afin de se venger, en général, de sa mère. On lui reproche sa froideur, son absence d'instincts maternels… Toutes les raisons sont invoquées pour la condamner.


Cette dynamique pousse Michaël Rochon à commettre des crimes sadiques. Il ampute avec dextérité les membres de ses victimes qu'il empaille afin de former, comme l'indique le titre, une collection qui reconstituera le corps humain. Après avoir tué une jeune femme de la Floride et une autre de Montréal, le tueur se rabat sur Québec où il se livre à sa passion sous les yeux atterrés de la Police et de la population. Maud Graham et son collègue Rouaix sont chargés de lui mettre la main au collet. La perfection des moyens mis en œuvre par ce criminel rend leur mission presque impossible. Il leur faut attendre une erreur de sa part avant de constituer un profil qui conduira à son arrestation. Entre temps, Rochon a le champ libre pour sa cueillette anatomique.

La trame du roman repose sur les épaules de la policière. Pour faire progresser l'enquête, elle défie, par l'intermédiaire des médias, le psychopathe, qui est heureux de l'affronter et assuré de la déjouer. Mais ce dernier ne compte pas sur toutes les données de la vie de Maud Graham. Il ignore qu'elle fréquente Grégoire, un prostitué de 16 ans capable de l'emmener à son repaire. C'est en somme le pivot qui entraînera sa perte. Et c'est aussi à travers ce personnage qu'apparaîtra toute la personnalité de cette femme attentive au sort réservé aux enfants. Comme un miroir, Grégoire lui reflète, malgré ses silences, les conduites répréhensibles des citoyens de Québec, en particulier ceux qui abusent de la chair fraîche des jeunes. Grâce à lui, Maud peut également se jauger en tant que femme. Que représente-t-elle aux yeux des hommes? Ce jeune est assez habile pour lui faire comprendre qu'elle peut encore séduire même si son amant vient de la quitter.

Tous les ingrédients ont été réunis pour que ce polar soit une œuvre réussie, mais le résultat est décevant. L'écriture manque d'originalité, la facture ressemble à un patchwork mal cousu et, finalement, les protagonistes répondent aux normes d'une psychologie sommaire. Chrystine Brouillet a suivi une recette éprouvée, mais elle a manqué de poudre à pâte. Par contre, les amateurs de lectures macabres seront comblés, surtout en voyant la tête de la mère du psychopathe empaillée dans son salon. Dans le genre, Horreurs de mort de Marc Lessard est une œuvre mieux réussie ainsi que Le Rouge idéal de Jacques Côté, qui a également choisi la ville de Québec comme décor à son roman.