Thériault,
Denis.
Le
Facteur
émotif.
Éd.
XYZ,
2005,
118
p.
L'Amour
d'un
facteur
indiscret
Le
haïku,
forme
classique
de
la
poésie
japonaise,
fait
école
en
ce
moment.
Composé
de
deux
vers
de
cinq
pieds
et
un
de
sept
pieds,
ce
poème
exprime
en
peu
de
mots
comment
le
particulier
se
greffe
à
l'universel.
Comme
André
Carpentier
dans
Gèsu
Retard,
Denis
Thériault
a
profité
de
cette
mode
pour
concocter
un
roman
tout
à
fait
original
en
recourant
à
deux
protagonistes
qui
s'échangent
des
haïkus
par
la
poste.
Gaston
Grandpré,
un
professeur
à
la
retraite,
correspond
avec
Ségolène,
une
enseignante
de
la
Guadeloupe.
Chacun
fait
connaître
à
l'autre
la
vie
de
son
pays.
Coups
de
marteau
dans
la
rue
/
on
cloue
les
volets
/
le
cyclone
approche.
Le
Montréalais
de
répondre
:
Sur
la
corde
à
linge
/
gèle
la
lessive
/
et
grelottent
les
moineaux.
Le
facteur
du
quartier,
ennuyé
par
sa
distribution
de
dépliants
publicitaires,
s'intéresse
particulièrement
à
ceux
qui
s'écrivent
en
respectant
la
tradition.
Il
pousse
même
la
curiosité
jusqu'à
l'illégalité.
Il
apporte
chez
lui
les
lettres
de
Ségolène
qu'il
décachète
à
la
vapeur
avant
de
les
livrer
le
lendemain
en
toute
innocence.
Quelle
n'est
pas
sa
surprise
de
constater
qu'il
s'agit
d'envois
de
haïkus!
Intrigué
par
ces
poèmes,
il
s'initie
à
cet
art
de
la
miniature
poétique.
Mais
le
destin
le
prend
de
court.
Gaston
se
fait
happer
mortellement
par
un
automobiliste.
Cet
accident
met
fin
abruptement
à
l'indiscrétion
qui
lui
procurait
une
joie
intense.
Comment
savourer
encore
le
plaisir
de
lire
des
haïkus?
Aux
grands
maux,
les
grands
moyens.
Il
faut
se
glisser
dans
la
peau
du
défunt
et
perpétuer
cette
correspondance
si
enrichissante.
Ségolène
ne
remarque
en
rien
l'imposture
de
Bilodo,
le
facteur
qui
a
emprunté
les
oripeaux
de
Gaston
Beaupré.
Cependant
le
héros
n'avait
pas
prévu
que
le
facteur
émotif
allumerait
sa
passion
pour
la
Guadeloupéenne.
En
termes
brûlants,
elle
répond
favorablement
à
son
amour
:
Nuits
de
canicule
/
peaux
moites
des
draps
/
brûlent
mon
ventre
et
mes
lèvres
/
je
vous
cherche,
je
m'égare
/
je
suis
cette
fleur
éclose.
En
somme,
ce
roman
est
une
histoire
d'amour
singulière
né
de
l'intérêt
pour
la
poésie
japonaise.
L'auteur
transcende
la
trame
pour
déboucher
sur
la
philosophie
qui
sous-tend
son
oeuvre.
Le
particulier
et
l'universel
doivent
fonder
des
unions
impérissables
par
un
perpétuel
recommencement,
un
enso,
le
cercle
zen
que
symbolisait
le
O
apparaissant
dans
toutes
lettres
de
Gaston
Granpré
:
Tourbillonnat
comme
l'eau
/
contre
le
rocher
/
le
temps
fait
des
boucles.
On
passe
de
l'instant
à
l'immuabilité,
des
sens
à
l'Amour
avec
un
grand
A.
C'est
en
quelque
sorte
un
conte
qui
rappelle
que
toutes
les
cultures
doivent
conduire
à
l'intangibilité
des
principes.
Comme
dans
L'Iguane,
Denis
Thériault
tient
la
baguette
magique
qui
transforme
les
cœurs
pour
le
meilleur
des
mondes.
Avec
une
plume
simple,
poétique
et
pleine
de
candeur,
il
présente
la
mort
comme
un
passage
porteur
de
vie.
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