L'absence
de
repères
géographiques
n'empêche
pas
de
croire
que
le
héros
s'est
installé
en
Alberta,
terre
de
toutes
les
promesses
à
cause
de
ses
sables
bitumineux.
Venu
du
Québec
comme
mécanicien
de
machinerie
lourde,
il
vit
un
point
tournant
de
son
existence.
Abandonné
de
sa
femme
après
qu'elle
eut
raté
son
suicide,
et
inquiété
par
une
lettre
de
son
père
acculé
à
la
faillite
de
la
mémoire,
il
profite
d'une
panne
d'électricité
généralisée
pour
rayer
tout
le
pays
afin
de
surgir
devant
lui
comme
une
surprise
de
l'oubli.
Partir
pour
s'occuper
de
son
géniteur,
pour
racheter
quelques
erreurs,
pour
l'accompagner
dans
le
sentier
menant
au
Créateur.
Au
volant
de
sa
petite
voiture
rouge
déglinguée,
le
héros
met
le
cap
sur
l'est.
En
compagnie
de
son
chat,
qu'il
emprisonne
dans
une
boite
de
carton,
il
entreprend
un
périple
d'au
moins
trois
jours.
L'asphalte
déroule
son
tapis
gris.
Le
voyage
n'est
pas
à
la
fête
d'autant
plus
que
la
panne
d'électricité
prive
le
paysage
de
se
montrer
sous
son
maquillage.
Ce
contexte
explique
la
décision
de
l'auteur
de
taire
le
nom
des
villages
devenus
des
agglomérations
fantômes.
Le
roman
baigne
ainsi
dans
une
atmosphère
apocalyptique
rappelant
la
crise
du
verglas
de
1998,
qui
a
privé
le
Québec
d'électricité
pendant
26
jours.
L'occasion
est
bonne
pour
les
profiteurs.
Ils
s'organisent
pour
rationner
les
vivres
et
l'essence.
Cette
dernière
se
vend
au
centuple
de
son
prix,
les
denrées
sont
tout
aussi
onéreuses.
C'est
la
désolation
la
plus
totale,
qui
confine
chacun
chez
soi.
S'aventurer
sur
les
routes,
c'est
courir
à
sa
perte.
La
panne
sèche
attend
les
automobilistes
et
les
camionneurs,
obligés
rapidement
de
ranger
leurs
véhicules
le
long
des
voies
de
circulation.
Malgré
ces
inconvénients,
le
héros
suit
le
fil
des
4736
kilomètres
qui
le
séparent
de
son
père.
C'est
une
question
de
vie
et
de
mort
qu'il
soupèse
dans
la
fumée
des
cigarettes
qu'il
consume
et
sous
l'effet
de
l'alcool
quand
il
réussit
à
se
négocier
une
bière
ou
deux.
À
quelqu'un,
malheur
est
bon.
Les
fricoteurs
font
des
affaires
d'or
en
ravitaillant
les
produits
essentiels
qu'ils
revendent
en
quantité
infinitésimale
à
des
prix
exorbitants.
Ce
long
voyage
est
périlleux
tant
les
obstacles
sont
nombreux.
Mais
rien
n'est
trop
cher
pour
réaliser
son
rêve
le
plus
cher.
L'argent
ne
règle
pas
tout.
Être
confronté
sans
cesse
avec
soi-même
pendant
cette
isolation
volontaire
exige
une
force
de
caractère
peu
commune.
Pour
briser
l'opacité
de
sa
solitude,
il
fait
monter
une
autostoppeuse
qui
n'a
pas
froid
aux
yeux.
Mais
leurs
conversations
limitées
à
leur
fatigue
et
à
leur
désir
de
franchir
rapidement
la
distance
à
parcourir
ne
parviennent
pas
à
percer
la
chape
de
plomb
que
leur
impose
un
pays
privé
d'électricité.
C'est
la
grande
noirceur
au
cœur
des
cités,
qui
perdent
leur
ouverture
sur
autrui.
C'est
la
guerre
du
chacun
pour
soi.
Ce
premier
roman
est
un
tableau
presque
mythique
de
la
vie
que
l'on
mène.
Apparenté
à
Volkswagen
Blues
de
Jacques
Poulin,
Le
Fil
des
kilomètres
raconte
l'histoire
d'une
filiation
qui
s'est
effritée.
Le
héros
tente
de
renouer
des
liens
qui
tombent
en
lambeaux.
Comme
mécanicien,
il
s'y
connaît
en
rafistolage
pour
redonner
au
passé
son
auréole
glorieuse.
La
nécessité
d'agir
en
ce
sens
est
impérative.
Sans
amarres,
l'humanité
risque
d'écouter,
comme
Ulysse,
le
chant
des
sirènes
qui
causera
sa
perte.
C'est
un
sujet
éminemment
poétique.
Une
poésie
de
l'urgence,
de
la
mémoire,
de
l'attachement
pour
arriver
à
bon
port.
C'est
avec
simplicité
que
l'auteur
a
navigué
au
milieu
des
écueils
pour
éviter
la
catastrophe
que
Cormac
McCarthy
a
aussi
prévue
dans
The
Road.
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