Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Bessette, Gérard.

Le Libraire.
Éd. Le Cercle du livre de France, 1966, 173 p.

La Censure des livres au Québec

Dans Le Libraire, Gérard Bessette dénonce les pouvoirs occultes, dont les Québécois étaient victimes, surtout au plan sexuel et culturel. Il atteint son objectif à travers un personnage pour qui il est impossible de pactiser avec les gardiens de la rectitude, regroupés souvent en associations secrètes pour protéger le fait français et le catholicisme en terre d'Amérique.

Hervé est l'employé d'une librairie dans une petite ville de province alors que la lecture est considérée comme un acte suspect par les élites religieuses et politiques. Elle est étroitement surveillée par une censure officielle comme l'index et par celle, officieuse, des différents pouvoirs. Pour veiller au respect des interdits, les autorités se fient à la vigilance des curés.

Ce contexte opprime le héros. Faisant fi des anathèmes, il vend des livres condamnés que l'on conserve dans un capharnaüm secret pour satisfaire la clientèle autorisée. La nouvelle se répand vite malgré la confidentialité qui entoure les ventes. Hervé mène aussi son combat contre les tabous sexuels. Il profite de sa propriétaire, bien consentante, non par amour pour elle, mais pour prouver sa virilité dans la plus grande indifférence aux décrets de la morale.

L'auteur a bien saisi le Québec d'avant 1960. Son petit chef-d'œuvre militait à l'époque éloquemment en faveur d'une libéralisation pour sortir de ses ornières une société coulée dans le béton avec ses interdits étouffants. Il a donné à son propos la forme d'une longue nouvelle au dénouement inattendu. Il l'a fait avec une simplicité pleine de sous-entendus et avec une écriture efficace, teintée d'humour pour que son œuvre n'accrût pas, j'imagine, l'inventaire des capharnaüms secrets. Bref, c'est la rébellion tranquille par l'indifférence aux normes établies.