Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Parent, Guy.

L'Enfant chinois. Éd. Québec Amérique, 1998, 209 p.

L'Adoption d'un enfant chinois

L'Enfant chinois de Guy Parent a pour cadre le quartier où se regroupent les représentants de cette ethnie à Montréal. Imprégné de féerie, de sérénité et de dignité, ce roman examine les problèmes de l'exil grâce à un étudiant à l'emploi de la ville de Montréal, qui doit recueillir diverses données à des fins d'évaluations foncières. Il circule donc à pied dans le quartier chinois, sonnant de porte en porte. Or, voilà qu'au coin d'une rue, cet étudiant s'arrête, perplexe, devant un édifice qu'il croit abandonné, puis observe les lettres qui ornent la devanture de ce bâtiment. Il y voit d'écrit le nom CH…NG. L'énigme entourant cette lettre manquante le fera voyager dans un monde plus fascinant encore, celui du propriétaire, M. Chang, qui est nul autre que l'enfant chinois du titre. À l'heure de la mode de l'adoption internationale, cette oeuvre offre une réflexion pertinente, d'autant plus que l'auteur est le père adoptif d'un petit Mandarin.

Grâce aux six lettres laissées par ce Chang, que le narrateur aura reçues de l'occupant de l'édifice, il découvrira avec parcimonie le parcours tumultueux qui l'a amené au Québec à l'âge de trois mois. Cet exil obligé le remet constamment en question. Mal à l'aise dans ce nouveau pays, il se sent seul et abandonné dans la jungle montréalaise, où il est victime du rejet des différences. Adopté par de bons parents, il n'en reste pas moins qu'il doit se frotter à une population pas aussi ouverte que l'on pense. Devenu un cuisinier renommé dans un restaurant du quartier chinois, sa solitude reste totale. Même propriétaire de son établissement, il ne peut s'empêcher de douter de son identité québécoise malgré sa réussite sociale dans un monde qui lui oppose une hostilité larvée. Ce questionnement laissé sans réponses sera suffisant pour l'inciter à partir sans poste restante.

Le destin des enfants adoptés nous interroge. Deviennent-ils québécois? Le choix du métier du héros ne laisse pas de doutes. C'est sa manière de renouer avec ce qu'il est profondément. On est de ses gènes comme l'eau est aux poissons. Si on pousse la réflexion, il n'est pas étonnant qu'elle débouche sur un départ vers un monde où on peut davantage assumer sa véritable identité. L'auteur saisit bien la dynamique qui anime l'exilé bridé. L'intégration est plus difficile quand le physique est enregistré dans le meilleur des cas comme élément de curiosité. En somme, on attire notre attention sur les conséquences à long terme de l'adoption internationale pour des enfants qui auront à vivre comme de vrais immigrants à cause de leurs différences physiques.

Guy Parent analyse ce problème en laissant aux lecteurs le soin de tirer ses conclusions. Il le fait de façon originale à travers l'enquête d'un employé municipal qui doit s'enquérir du nom du propriétaire d'un édifice pour en établir son évaluation. À l'évitement de l'ennui de la linéarité, il faut ajouter la sensibilité de l'écriture, qui nous plonge dans un bain qui suscite tous les sens. Les odeurs, les couleurs, les bruits, le goût à cause des recettes glissées dans l'œuvre contribuent à créer une atmosphère de mystères à l'orientale.