Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Michaud, Andrée-A.

Le Pendu de Trempes. Éd. Québec Amérique, 2004, 267 p.

Quête divine

Saint Augustin a tenté en vain de comprendre la divinité. Il a finalement conclu que Dieu est amour. Toute recherche inscrite à l'écart de cette voie risque de perturber celui qui est en quête du mystère divin. Si un être humain reste toujours une énigme pour son entourage, il faut reconnaître que naviguer dans des eaux surnaturelles en se fiant aux capacités humaines conduit à des déceptions, voire à la folie. Assujettir sa foi à la découverte d'un dieu que l'on peut étendre sur le divan d'un psy, c'est se condamner à ne jamais croire. Il en est de l'au-delà comme de l'amour, il faut affronter une mer inconnue sans être assurés du succès de l'opération.

Le roman d'Andrée A Michaud nage dans ces eaux tumultueuses. Le héros, Charles Wilson, revient à Trempes 25 ans après son départ. Que vient-il y faire? Rien. La vie est un " rewind " qui le rattrape à l'âge de 15 ans alors qu'il quittait le village avec ses parents pour fuir une tragédie dont il était l'un des acteurs. À l'époque, il avait participé à la fin horrible de deux amis, Paul Faber et Anna Dickson. Il ne s'agit pas d'un crime crapuleux, mais d'un geste fatal commandé par leurs préoccupations. La mort devient pour ces adolescents la solution à leurs problèmes métaphysiques. Comment démêler le bien du mal? Comment prouver avec certitude l'existence de Dieu? Paul se destinait à la prêtrise pour pouvoir répondre à ces questions. En fait, ce sont des jeunes qui veulent accorder la pureté de leurs intentions à un idéal chrétien. Les psychologues connaissent bien les déviations qui attendent les chasseurs de l'au-delà. Les moyens de l'atteindre passent par le scrupule, voire le meurtre pour éliminer le désir qui serait une barrière pour qu'on ne puisse l'atteindre. Comme André Giroux dans Au-delà des visages, l'auteure décrit les déviances spirituelles qui empruntent les allées des cimetières.

Cette analyse introspective du héros s'enracine dans un terreau fusionnel. La nature comme la faune alimentent son imaginaire. Charles ne peut vivre en dehors d'un univers qu'il ne contrôle pas. Derrière les barreaux de sa prison se cache un orgueil qui cherche à réduire l'œuvre de Dieu à des dimensions humaines, faute de quoi il ne voit de solution à sa vie ratée qu'en appelant la mort à son secours. Le temps n'est pas un remède à tous les maux. Mieux qu'un ordinateur, la mémoire ne perd jamais ses données. Comme un rhizome, le passé suit le héros qui s'est glissé dans la peau de son ami.

Ce roman libéré de la linéarité a arrêté le temps. Il actualise un passé que l'on croit vivre au moment présent. C'est grâce à Joseph Lahaie, un taxidermiste, que l'on reconstitue l'ensemble du puzzle quand il devient à son tour narrateur pour témoigner du vécu de Charles, qui, comme ses oiseaux empaillés, est condamné à la fixité éternelle. Cette apparence de vie est rendue par une écriture qui exige du lecteur une attention soutenue. Cousue de subordonnées, la phrase ne livre pas son contenu aisément. Elle suit le parcours sinueux d'un héros habité par un monde fantastique qui, d'horreur en horreur, l'entraîne vers le gouffre. À déconseiller aux dépressifs.