Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Carducci, Lisa.

Le Rideau jaune. Éd. Humanitas, 2001, 269 p.

Une enseignante éprise de l'un de ses étudiants

Née dans une famille italienne de Montréal, Lisa Carducci vit en Chine depuis de nombreuses années. Elle a publié en 2001 Ben Me Dao Zhi, qui signifie " confondre l'essentiel et l'accessoire ". En français, ce roman fut intitulé Le Rideau jaune, lequel cache le lit des résidents qui étudient en tourisme à Beijing (Pékin). Il s'agit d'une histoire d'amour entre Marisa, un professeur qui enseigne l'italien, et François, l'un de ses étudiants dont l'auteur a francisé le prénom.

Dès le début des cours, l'enseignante de 40 ans a eu le coup de foudre pour ce Chinois de 24 ans. Après l'avoir attiré dans ses filets, elle doit s'imposer une discrétion à toute épreuve pour ne pas être congédiée. Ce couple dépareillé multiplie les rencontres secrètes pour consolider ses liens amoureux, mais ce n'est pas sans tiraillements. Chacun est conscient du piège qu'il s'est tendu. L'héroïne sait que son aventure est inacceptable à cause de sa situation d'autorité et de son âge, et François se sent coupable de l'aimer car il s'est déjà promis à une compatriote de sa province. Le dilemme n'est pas sans engendrer des déchirements profonds qui ne peuvent conduire qu'à l'échec de cette relation incongrue. Les deux amoureux tentent quand même de mener cette expérience à terme malgré les souffrances qu'elle causera inévitablement.

Ce roman présente en fait les difficultés d'une zhuan jia (expert étranger) qui doit s'ajuster à une tout autre culture. Marisa y parvient au point de ne se sentir bien que dans son pays d'adoption. Elle ne fréquente en général que les Chinois dont elle maîtrise d'ailleurs la langue. Cette intégration réussie explique son amour pour François qui vient combler un vide affectif causé par une rupture récente. Vu sous cet angle, l'attachement maladif à l'un de ses étudiants se comprend aisément.

Cette liaison dangereuse connaît un dénouement des plus inattendu. L'auteur démontre avec efficacité que le fantasme est un succédané qui joue adéquatement son rôle de substitut. La toile sur laquelle Lisa Carducci a brodé son histoire dévoile le quotidien des étudiants qui doivent maintenant affronter une économie de marché dans un cadre communiste. Son analyse dépasse largement le virage de la Chine. Elle pénètre l'esprit de ses habitants pour en ressortir les carences tant sur le plan sexuel que religieux.

Le roman de Lisa Carducci aurait été davantage convaincant si elle avait choisi le théâtre comme médium. Il devient même lassant à cause de ses nombreuses redondances. Pis encore, l'écriture ne dénote pas une maîtrise parfaite de la langue française. L'éditeur aurait dû pallier cette lacune. Non seulement il ne l'a pas fait, mais en plus il a parsemé le texte de nombreuses coquilles. Autant de faiblesses jettent malheureusement un voile sur une œuvre riche en éléments intéressants