Yergeau,
Pierre
Les
Amours
perdues.
Éd.
L'Instant
même,
2004,
88
p.
En
quête
du
paradis
perdu
Pierre
Yergeau
est
en
train
d'ériger
un
monument
au
pays
de
ses
origines.
Il
associe
le
développement
de
l'Abitibi
au
sort
de
la
famille
d'un
trapéziste,
qui
s'est
retrouvée
à
600
km
au
nord
de
Montréal,
une
région
vierge
où
tous
les
espoirs
étaient
permis.
Le
premier
tome
de
son
œuvre
(L'Écrivain
public)
s'attachait
surtout
à
Jérémie,
alter
ego
de
l'auteur
et
deuxième
fils
des
Hanse.
Le
deuxième
tome
(La
Désertion)
était
consacré
à
Michelle,
la
benjamine
qui
maria
un
homme
alcoolique.
Le
troisième
tome
(Les
Amours
perdues)
se
penche
sur
Georges,
l'aîné
des
trois
enfants,
le
seul
témoin
véritable
de
la
vie
de
cirque
de
son
père,
mort
en
présentant
son
numéro.
Ce
roman
trace
la
genèse
de
cette
famille
et,
en
particulier,
celle
de
la
personnalité
du
héros.
Né
dans
la
vallée
du
Niagara,
il
a
suivi
son
père
au
point
de
s'initier
à
son
art.
Il
a
ainsi
fait
partie
du
Grand
Cirque
d'hiver,
qui
plantait
son
chapiteau
pour
divertir
ceux
qui
s'ennuyaient
dans
les
centres
éloignés
de
l'agitation
urbaine.
Georges
a
hérité
du
caractère
paternel,
contrairement
à
son
frère
qui
a
hérité
de
celui,
plus
introverti,
de
sa
mère
Delphine.
La
vie
lui
apparaît
donc
comme
un
combat
qui
appelle
au
dépassement
comme
les
numéros
de
cirque.
Cette
perception
lui
a
donné
une
fureur
de
vivre
qui
ne
peut
trouver
son
couronnement
que
dans
la
fatalité,
à
l'instar
de
celui
qui
perdrait
la
vie
en
escaladant
l'Everest.
Contrairement
au
héros
de
Styx
de
Roger
Magini
qui
condamne
les
morts
gratuites,
Georges
aime
se
mesurer
à
l'existence.
"
Tu
n'es
rien
tant
que
tu
n'es
pas
quelqu'un
d'autre!
",
dit-il
à
son
frère.
Il
faut
comprendre
cette
phrase
comme
une
invitation
à
aller
au
bout
de
soi-même
au
lieu
de
vivre
par
procuration
en
regardant
ceux
qui
osent
actualiser
l'incréé
en
eux.
Cet
idéal
lui
sert
d'aune
pour
juger
les
siens.
C'est
avec
lucidité
qu'il
perçoit
les
résignations
que
camoufle
leur
destin,
voisin
de
celui
du
fantôme
qui
ne
peut
se
manifester.
Quelle
aventure
a
vécue
sa
grand'mère
dans
les
Prairies
?
Pourquoi
sa
mère
est-elle
neurasthénique
?
A-t-elle
peur
d'accepter
l'amour
de
Gabriella,
la
sirène
du
cirque
dont
elle
accompagne
la
prestation
de
ses
chansons?
Georges
pointe
du
doigt
toutes
les
voies
qui
ont
débouché
sur
des
amours
perdues.
Seuls
les
États-Unis,
en
particulier
Chicago,
semblent
lui
fournir
l'occasion
d'échapper
à
un
tel
sort.
Pierre
Yergeau
évoque
avec
élégance
les
possibles
tapis
de
l'être
humain.
Sa
métaphore
du
cirque
les
actualise
en
guise
d'invitation
à
s'habiter
soi-même
comme
on
habite
une
région,
autre
métaphore
qui
souligne
l'investissement
dû
au
développement
de
l'être
humain.
L'œuvre
se
présente
comme
une
chronique.
Jérémie
note
les
brèves
observations
de
son
frère
pour
créer
la
genèse
de
la
famille
Hanse.
Avec
une
économie
de
moyens
et
une
grande
sensibilité
à
l'instar
de
Jacques
Poulin,
l'auteur
étale
la
carte
des
sentiments
que
ses
personnages
se
sont
interdits.
Il
a
tracé
de
fines
icônes
qui
retracent
la
mythologie
sur
laquelle
s'appuie
l'histoire
d'une
famille
reliée
à
celle
de
l'Abitibi.
L'écriture
poétique
garantit
aux
romans
de
Pierre
Yergeau
une
qualité
peu
commune.
Disons
qu'il
se
sert
du
fusain
plutôt
que
de
couleurs
criardes
afin
de
conférer
à
son
œuvre
une
atmosphère
intimiste.
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