Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Boucher, Claudette.

Les Crimes des moutons. Éd. Balzac, 2001, 220 p.

Meurtres dans un cégep

Le titre de ce roman réfère à une phrase de Balzac, l'auteur fétiche de Claudette Boucher. Elle a imaginé un polar dont le héros s'inspire des œuvres balzaciennes pour mener ses enquêtes. En lisant Les Crimes des moutons, on sent très bien l'emprunt de la romancière québécoise, autant au niveau géographique qu'au niveau littéraire. Quoique la ville de Québec serve de théâtre aux drames survenus en 1971, on se croirait au cœur de la France rurale des années 1900. Même l'écriture rappelle les longues descriptions de son maître, dont elle suit les traces avec un certain succès

Le crime de mouton devrait inquiéter les amoureux. Dans ce polar, on ne se frotte pas en vain à Cupidon. Ses flèches sont plutôt meurtrières. C'est ce que l'on constate dans un cégep où les étudiants sont bouleversés par la mort de l'une des leurs. Il s'agit de May Dollin, une fille née de parents aisés. Comme ses pairs, elle est très attirée par les expériences marquées du sceau de l'interdit. L'idéal SDF des bizuts : sexe, drogue, fortune. Le malheur relève de la dichotomie. Voilà que le professeur They est abattu à son tour. Ces deux meurtres soutiennent la voûte de l'intrigue policière, dont la résolution apparaît dans l'une des œuvres de Balzac. Le Silence des agneaux pourrait aussi fournir des pistes intéressantes au policier chargé de l'enquête. Si les étudiants sont sidérés par l'assassinat de May Dollin, celui de leur professeur, un homme méprisant dont les appétences se résument à humilier autrui, les laisse plutôt froids. Sa haine de l'humanité s'expliquait assez mal. Un mystérieux personnage tient à lui exprimer son désaccord avec cette attitude. Quelque temps avant la disparition tragique de Monsieur They, il lui envoie des menaces de mort ainsi qu'aux membres de la direction, toutes contenues dans une phrase rédigée à l'encre violette.

C'est le cadre du roman de Claudette Boucher. Si en imitant Balzac, elle commet quelques bourdes gênantes, il faut dire, d'autre part, qu'elle maîtrise les règles de l'art romanesque. Elle sait concocter un dénouement qui a du punch. Comme Jacques Côté dans Le Rouge idéal, l'auteur a écrit un polar en exploitant la littérature avec un succès mitigé par des emprunts qui brouillent les repères géographiques.