Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Lazure Jacques.

Les Oiseaux déguisés. Éd. VLB, 2003, 168 p.

Un compositeur de musique psychédélique

La génération des années 60 s'est difficilement détachée de la musique de son époque, marquée par le rock psychédélique. C'est en Angleterre qu'est né le courant, disparu avec l'arrivée des Pink Floyd en 1970. Cette toile de fond a servi d'assises à Jacques Lazure pour écrire son roman, qui présente un musicien québécois, connu uniquement des habitants de Cambridge.

Le héros, Bernard Carel, y a vécu à cause de ses parents établis dans la fière Albion. Avec un dénommé Brian Avory, il a formé un duo qu'ils ont baptisé le Waterlee. Ils se sont uniquement produits dans un parc fréquenté par des " lightfools ", des " débiles " mal accoutrés, qui vivaient dans les arbres comme des oiseaux. Au-delà des apparences, la musique de ce groupe, tel le fado, traduisait pour eux leurs souffrances mieux que toute autre chose. Ça épouse tellement bien les sentiments de révolte que plusieurs sont restés accrochés à ce genre musical, auquel se sont accolés, outre la tenue vestimentaire, l'abus des drogues et de l'alcool. Les nombreux festivals évoquant cette époque fournissent la preuve de cet attachement à une manière d'être qui a conquis les " sixties ". Vécue intensément, cette culture rock a provoqué chez certains un aboutissement fatidique. Pour le héros, ce fut la folie.

C'est dans cet état que l'on a retrouvé Bernard Carel dans un parc du Portugal. Interné dans un institut psychiatrique au Québec, il est abandonné des siens, à l'exception de Julie, une nièce qui s'intéresse à son sort pour le remercier en quelque sorte de la fascination qu'il a exercée sur elle durant son enfance. Elle le visite donc assidûment pour le délivrer de sa maladie, espère-t-elle, par la lecture du roman qu'il avait écrit jadis ou encore par la lecture de poèmes de Gaston Miron et de Marie Uguay. Peine perdue! Mathieu, un préposé de l'hôpital qui a le béguin pour la visiteuse, tente de l'approcher en lui proposant de remonter la filière suivie par cet oncle qu'elle avait idéalisé. Débute alors une enquête semblable à celle d'un polar, qui transportera les protagonistes de l'Angleterre aux Açores.

Le roman se distingue par son originalité. Il s'agit d'explorer le temps pour expliquer le présent. Malheureusement, on ne remonte pas à la source première de la déchéance du héros, mais qu'une lecture entre les lignes peut associer aux relations tumultueuses avec son père. La découverte qui s'annonce déprime Julie. Comme elle avait idéalisé son oncle, elle sera déçue d'apprendre qu'il n'était qu'un sosie du héros de Jack Kerouac dans On The Road.

Bref, le roman enseigne que l'existence compte son lot de misères causant davantage de replis chez autrui que de rapprochements pour accompagner les âmes à la dérive. Cette oeuvre n'a rien d'une homélie. Et elle est d'autant plus intéressante que l'auteur maîtrise bien les rouages de l'art romanesque et de l'art d'écrire.