Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Moutier, Maxime-Olivier

Les trois modes de conservation des viandes. Éd. Marchand de feuilles, 2006, 263 p.

Éloge de l'amour et de la famille

Maxime-Olivier Moutier a choisi l'écriture comme planche de salut pour traverser la crise de la vingtaine. Maintenant âgé de 35 ans, il a réussi à se définir pour entamer sa vie adulte avec plus de sérénité. Cette mise au point a son importance du fait que sa vie personnelle alimente une œuvre romanesque qui témoigne de la difficulté de vivre en harmonie avec soi-même. Défi de taille. À cette problématique s'ajoute celle de l'identité culturelle. Même si l'auteur est né à Montréal, il est issu d'une famille alsacienne qui a fait de lui un exilé en terre d'Amérique. Cette impression est souvent ressentie par les enfants d'immigrants, comme en témoigne aussi Catherine Mavrikakis dans Ça va aller.

Le nouveau roman de Maxime-Olivier Moutier ne créera pas de consensus dans le contexte de cynisme qui entoure la vie affective et familiale. La rectitude est souvent prise à parti par les jeunes hommes qui tournent le dos aux engagements dans une société en manque de modèles inspirants. Déjà en 1892, Oscar Wilde avait abordé ce sujet dans L'Éventail de lady Windermere. Les deux écrivains stigmatisent l'insouciance de ceux qui ne croient pas en " l'importance d'être constant " comme l'écrivait jadis le dramaturge britannique.

À travers son alter ego, Maxime-Olivier Moutier fait valoir le bien-fondé de la domestication masculine. Sa démonstration repose sur une hypothèse qui fait ressortir toute la lâcheté des hommes qui se défilent : " Je pourrais partir et ne pas donner de nouvelles, puis revenir de temps en temps… rappeler à tout un chacun que c'est moi le père de ces enfants abandonnés et pour la vie desquels je n'ai rien fait; jamais levé la moindre pelletée de terre, jamais préparé le moindre repas chaud. " Même si " la moindre parcelle de vie le dépasse ", l'auteur cherche le bonheur au sein de la famille qu'il a fondée. Il parie sur le cocooning pour se réaliser. François Gravel dans Adieu Betty Crocker lui donne raison. Si son héroïne était heureuse de sucrer le bec des siens, le héros de Moutier, lui, n'aimerait pas que son fils dise un jour : " Tiens, j'aurais aimé avoir un père qui vient me chercher au service de garde… "

Ce roman raconte tout simplement les hésitations d'un trentenaire en quête de sens hors des modèles égoïstes proposés. Son regard se porte finalement sur autrui. Que pourrais-je faire, semble-t-il se demander, pour rendre les autres heureux? Son parti pris le comble amplement. En somme, c'est un hymne à la famille et à Cupidon qui rend l'amour non seulement titillant, mais important.

Ce guide de survie au cynisme s'éparpille en tous sens. Chaque chapitre met en valeur des tranches de vie sans rapports entre elles. Mais au fil de la lecture, on découvre les liens qui ont fait l'homme qu'est devenu Maxime-Olivier Moutier. Bref, s'il connaît les modes de conservation des viandes, il s'est donné un mode de vie épanouissante qu'il a transcrit sur un humoristique avec une plume dégingandée et parfois tordue.