Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Boucher, Jean-Pierre.

Les Vieux ne courent pas les rues. Éd. du Boréal, 2001, 209 p.

La Vieillesse

Les vieux ne courent pas les rues. C'est évident ; on les oblige presque à s'enfermer dans des résidences pour personnes âgées afin de se protéger contre les dangers inhérents à leur groupe d'âge. À cause d'une santé chancelante, certains devront aller frapper à la porte de l'enfer que représentent les centres d'hébergement de soins prolongés. Lavés aux neuf jours, traités comme des hyperactifs que l'on bourre de sédatifs pour qu'ils ne dérangent pas, on va leur consentir à prix fort un minimum de services, offerts par un personnel généralement démotivé. Pour chacune des nouvelles de son recueil, Jean-Pierre Boucher présente des hommes et des femmes délaissés de leurs enfants, qui achètent leur tranquillité d'esprit en confiant leurs parents devenus encombrants à des mains qu'ils croient compatissantes.

C'est l'illusion complète. Comme dit l'une des héroïnes à son mari aveugle, " c'est pas toi qui ne vois plus les autres, c'est les autres qui ne te voient plus. " La vie des vieillards en institution a perdu toute sa qualité. On les dit séniles alors que ce sont les médicaments qui précipitent leur déchéance. Même dans ce contexte, on leur demande de tenir à la vie. " Ils ne te laissent plus mourir aujourd'hui on dirait que c'est les autres qui ont la chienne que tu meures. Ils ne veulent pas t'aider à mourir, ils veulent juste que tu continues à vivre, mais ils se sacrent bien de la façon dont tu vis. " On comprend que certains envisagent de se donner la mort avec leurs satanées pilules.

L'auteur souligne l'aspect le plus pénible de la vieillesse. Ceux qui espèrent courir le dernier droit de leur vie sans encombre pour avoir suivi les conseils des charlatans de la jouvence éternelle jugeront cette œuvre assez sévèrement. Mais quand on constate le nombre de tours réservées aux gens âgés qui s'érigent à toute vapeur à travers le Québec, on ne peut qu'accorder foi à ce que raconte Jean-Pierre Boucher. Comme France Ducasse dans La Vieille du vieux, il décrit, avec une plume sûre, un univers auquel personne ne peut échapper à moins d'un miracle. Bref, ce recueil de nouvelles rectifie les portraits trop souvent risibles de nos aînés.