Paul-André Proulx

Littérature Québecoise

Trottier, Yves.

L'Euthanasiste ambulant. Éd. JCL, 2002, 296 p.

Pour que le mort ne vienne pas comme une voleuse

Pour écrire son premier roman, Yves Trottier s'est attaqué à un sujet litigieux, soit l'euthanasie. L'auteur du lac St-Jean est parvenu à relever le défi, mais il lui reste à peaufiner son écriture.

Son roman nous plonge dans un État qui a reconnu l'euthanasie à la manière des Pays-Bas. Des lois encadrent la pratique de ceux qui s'y consacrent. Avant de procéder à cet acte, il faut que le médecin détermine que le seuil de douleur soit devenu intolérable avec un " souffromètre ", un gadget de science-fiction, et qu'il s'assure que le requérant ait consenti librement à son euthanasie. Là où le bât blesse, c'est que cette pratique s'étend aussi aux sans-abri, les " jetables " que l'on ne peut recycler.

Le héros, le docteur Bonaventure, est l'initiateur du projet qui a amené la reconnaissance légale de l'euthanasie. Il a agi pour que la dignité humaine soit accrue par une loi qui empêcherait la mort de venir comme une voleuse. Mais il n'a pas pensé que son noble but, qu'il soutient parfois par des arguments spécieux, pouvait échapper aux dérives toujours possibles, surtout quand une telle pratique passe entre les mains de nombreux intervenants comme les fournisseurs des doses létales et les corporations syndicales, sans compter les euthanasistes qui seraient portés à étendre la loi de leur propre chef à des cas non stipulés. C'est ce point surtout que l'auteur exploite avec assez de crédibilité. Son héros devient victime des magouilleurs et son sens aigu d'autrui le fait pécher à l'endroit d'un jeune qui veut se suicider. Sa condamnation le porte à se remettre en question, mais ses doutes disparaîtront vite quand un cancer le prendra de court. C'est ainsi que l'auteur ferme sa boucle.

À travers ses péripéties se glisse la vie amoureuse de l'euthanasiste. Vivant avec une jeune comédienne du cinéma pornographique, il mène une vie idyllique digne des plus mauvais romans Harlequin. Ce chapitre risible dépare une oeuvre qui peut se défendre. Il est aussi regrettable qu'un conseiller littéraire ne soit pas venu assouplir l'écriture. L'auteur a peut-être voulu épater le lecteur avec des phrases ronflantes et redondantes. En somme, il a servi un menu gargantuesque dans des assiettes de carton.