Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

April, Jean-Pierre

L’Herbe est meilleure à Lemieux.
Éd. XYZ, 2910, 142 p.

Les Hippies

Lemieux est un village de 340 habitants, sis le long de la l’autoroute 20 à la hauteur de Victoriaville. Le camper de quatre jeunes Montréalais est justement tombé en panne dans cette municipalité. Comme il n’y a pas de poste d’essence, ils se trouvèrent fort dépourvus d’autant plus que l’antre déglingué et peinturluré, dans lequel ils voyageaient, en a profité pour rendre l’âme.

Que feront ces sans-le-sou pour retourner à Montréal? Ils éliront domicile sur une terre laissée à l’abandon par les Binette, un couple âgé que l’ange de la mort attend au prochain détour. C’est d’autant plus facile qu’aucun n’a d’emploi fixe. Leur fille décédée, ils prennent en pitié ces jeunes, qui, l’âge étant relatif, sont aussi vieux que leur camper construit il y a 20 ans.

De fil en aiguille, ils en viennent à se porter acquéreurs de la ferme des Binette. Chacun des clans se sont révélés ratoureux pour tirer avantage de la vente de la maison, dont les trésors conservés au sous-sol sont inestimables. Mais ce sont surtout les champs qui intéressaient ces hippies. En fumeurs invétérés de bons pétards, ils voyaient déjà les plans de cannabis pousser à pleine clôture. Comme le dit le titre, l’herbe est meilleure à Lemieux. Et c’est vrai.

En écrivant ce court roman (147 p.) publié dans un format grand comme un Prions en Église, disons comme un coffret de disque compact, Jean-Pierre April n’a pas tenté de faire une analyse exhaustive du phénomène hippie et du power flower des années 1970. À l’instar de François Barcelo, l’auteur vise le divertissement des lecteurs. Et il réussira. Parfois, c’est d’une drôlerie irrésistible. Même si l’imagination s’essouffle dans la seconde moitié du roman, il n’en reste pas moins que la trame est tissée serré avec ses rebondissements aussi judicieux qu’inattendus.

Cependant d’aucuns reprocheront à l’auteur d’avoir mis en exergue des épicuriens fainéants, tel Johnny, le narrateur, qui souffre du syndrome de la page 19, la page où prend fin le roman qu’il voulait écrire. En fait, ils sont toujours en quête d’argent facilement gagné pour jouir de la vie. Bref, cette caricature des années 1970 illustre la vacuité d’une utopie née de Woodstock. L'auteur en rit et entraîne le lecteur dans son sillage.