Ducharme,
Réjean
L'Hiver
de
force.
Éd.
Gallimard,
1973,
283
p.
Victimes
des
mass
media
L'Hiver
de
force
est
certes
le
chef-d'œuvre
de
Réjean
Ducharme.
Avec
Gros
Mots
qui
s'inscrit
dans
le
même
créneau
que
le
précédent,
nous
avons
tout
l'univers
de
ce
romancier
épris
de
pureté.
L'Hiver
de
force
précise
le
point
de
vue
de
l'auteur
sur
l'influence
des
mass
media.
Le
roman
ne
répond
pas
à
un
dilemme
posé
en
préambule.
Les
protagonistes,
André
et
Nicole
Ferron,
réfléchissent
à
bâtons
rompus
sur
ce
que
la
société
leur
impose
via
la
télévision.
Dans
leur
vivoir,
ils
se
laissent
aller
à
un
déluge
de
paroles
à
l'instar
des
sophistes
qu'Aristote
pourrait
très
bien
condamner.
On
ne
joue
pas
à
des
jeux
de
société
chez
les
Ferron,
on
bavarde
pour
affirmer
de
façon
redondante
qu'on
est
des
riens.
Le
bavardage
est
devenu
un
symptôme
de
la
crise
occidentale.
Il
ne
reste
que
la
logorrhée
pour
compenser
l'impossibilité
de
changer
le
monde
:
"
notre
bag,
man,
c'est
le
bag
vide!
"
On
pourrait
croire
que
le
couple
Ferron
cherche
un
vide
qu'il
remplirait
de
paroles
creuses.
Au
contraire,
leur
discours
a
la
saveur
de
celui
des
hippies
qui
criaient
"
fuck
the
world
"
dans
les
années
1970.
La
constatation
des
Ferron
n'est
pas
mieux
symbolisée
que
par
la
télévision.
Dans
Pour
comprendre
les
media,
Marshall
McLuhan
écrivait
que
c'était
un
médium
froid,
c'est-à-dire,
un
médium
qui
crée
du
présent
sans
lendemain.
Cette
technologie
rend
les
héros
passifs
devant
leur
écran
parce
qu'elle
leur
permet
d'alimenter
leur
velléité.
On
bavarde
à
leur
place.
Quand
on
a
fait
le
choix
de
se
soustraire
volontairement
de
la
société,
la
télévision
représente
le
moyen
par
excellence
de
pouvoir
vivre
sans
le
soutien
des
autres.
On
n'a
jamais
été
aussi
seuls
que
dans
une
société
caractérisée
par
l'abondance
des
moyens
de
communication.
Ils
n'ont
que
l'apparence
du
rapprochement.
Ils
permettent
plutôt
de
se
tenir
à
distance
sans
en
avoir
l'air.
Et
par
l'abondance
des
informations
qu'ils
véhiculent,
ils
ont
la
capacité
de
créer
de
l'obsolescence.
Toune
est
le
personnage
qui
symbolise
le
mieux
cette
dynamique.
Son
surnom
n'est
pas
gratuit.
Une
toune
(un
hit)
ne
dure
que
ce
que
dure
les
hémérocalles,
à
peine
quatorze
heures.
Déjà
Ronsard
s'en
plaignait.
Ce
n'est
pas
le
temps
que
l'on
craint,
c'est
un
temps
sans
mémoire.
C'est
la
fugacité
de
la
vie
qui
effraie.
Le
discours
du
couple
emprunte
les
tournures
du
périlangage
du
jour.
Son
bagage
linguistique
étale
les
anglicismes
à
la
mode.
On
est
high
ou
down
comme
les
fans
de
la
contre-culture
qui
carburent
à
la
bière.
Pendant
qu'ils
boivent
en
regardant
la
télévision,
ils
n'ont
plus
besoin
de
penser
d'autant
plus
qu'une
info
en
pousse
une
autre,
empêchant
par
le
fait
même
d'organiser
une
logique
découlant
de
l'induction
ou
de
la
déduction.
La
vitesse
ne
menace
pas
seulement
ceux
qui
circulent
sur
les
routes.
Elle
menace
aussi
l'esprit
qui
ne
peut
suivre
la
complexité
de
ce
qu'on
lui
propose.
Le
roman
de
Réjean
Ducharme
oppose
le
silence
à
l'univers
du
monde
médiatique.
L'agitation
tonitruante
masque
la
voix
du
père
qui
pourrait
guider
ses
enfants
dans
leur
traversée
du
désert.
En
somme,
L'Hiver
de
force
est
un
cri
qui
demande
au
temps
de
suspendre
son
vol
pour
que
l'on
ne
soit
pas
obligé
de
revêtir
la
camisole
de
force
d'un
quotidien
accéléré
qui
fait
de
notre
vie
un
perpétuel
hiver.
Bref,
ce
roman
démontre
comment
les
mass
médias
ont
la
capacité
de
nous
transformer
en
loques
humaines.
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