Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Massicotte, Gilles.

Liberté défendue. Éd. Vents d'Ouest, 1998, 258 p.

Ukrainiens détenus en Abitibi



En 1915, le Gouvernement canadien jugea bon de détenir tous les Ukrainiens vivant au pays sans être naturalisés. C'est ainsi que plus de 1300 hommes et femmes furent emmenés dans un camp érigé à quelques kilomètres d'Amos. Prétextant que ces immigrants étaient des ennemis de l'Empire austro-hongrois, nos dirigeants politiques en conclurent qu'ils deviendraient les nôtres tôt ou tard. Par mesure préventive, on a emprisonné des innocents, y compris des nouveau-nés, dans une nature sauvage où une dizaine de soldats vivaient sur un pied d'alerte pour mâter sur le coup toute tentative d'insubordination ou d'évasion.

Ce fait historique, déshonorant pour le Canada, allait à l'encontre de la Convention de La Haye. On a profité de cette détention pour faire défricher une région récemment ouverte au développement. En compensation, on a offert 75$ lors de la fermeture du camp, un an plus tard, à des hommes qui ont bravé les moustiques, la tuberculose engendrée par la rigueur de l'hiver et les fièvres typhoïdes afférentes à l'insalubrité des lieux. Ils ont travaillé dans des conditions inhumaines. On leur servait de la viande crue et avariée et on amputait les parties du corps ayant souffert d'engelure. Ces Ukrainiens qui croyaient améliorer leur qualité de vie en venant au Canada se sont retrouvés en grand nombre dans un cimetière de fortune aujourd'hui piétiné par les élans ou dans les hôpitaux psychiatriques.

L'auteur suit le crescendo de l'horreur vécue par ces victimes de notre injustice. Mais son œuvre apparaît plutôt comme un document farci d'anecdotes peu flatteuses pour les militaires anglophones. Pour créer un suspense plus haletant, cette page peu glorieuse de notre Histoire aurait dû s'attacher au destin d'un seul protagoniste, dont l'amont et l'aval auraient fourni la matière au prologue et à l'épilogue.