Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Chabin Laurent

Luna Park . Éd. Coups de tête, 2009, 114 p.

Une prison sur la lune


En 1865, Jules Verne faisait rêver les Français avec De la terre à la lune, un roman visionnaire lançant trois aventuriers dans la construction d’un projectible susceptible de les propulser vers la lune. À l’époque, l’idée relevait de la science-fiction. Aujourd’hui, le roman ne serait qu’une œuvre inspirée de la science aérospatiale. Le sujet intéresse peu de romanciers québécois. Seuls deux romans pour adultes se logent à cet enseigne, soit Phaos d’Alain Bergeron et Petite Lune de Maxime Roy-Desruisseaux. Le premier évoque les difficultés de s’approvisionner en nourriture sur la lune, et le second imagine la civilisation qui naîtrait de l’exploitation du satellite de la terre comme habitat.

Quant à Laurent Chabin, il voit la mainmise de consortiums sur cet astre pour y semer le désastre de la cupidité que l’on comblerait grâce à l’uranium. L’extraction du minerai est confiée à des prisonniers, qui préfèrent purger leur peine sur la lune comme mineurs plutôt que de végéter dans les cellules d’une geôle. Originaires pour la plupart de la Côte-Nord, ils sont observés par le héros du roman, un maton préposé aux caméras de surveillance. Pour alléger leur détention dans la base spatiale que l’on surnomme le Luna Park, on leur offre de la bière en poudre et des spectacles. Celui auquel les détenus vont assister rappellera le 20e anniversaire de l’indépendance du Québec. Pour la circonstance, on a fait venir un couple d’artistes, qui présentera une production apparentée aux divertissements barbares offerts au peuple par Néron dans l’arène de Rome, empereur qui ne dédaignait pas non plus les orgies. Le roman n’a rien à envier aux massacres donnés en pâture aux Romains, sans compter que les jeux orgiaques débordent le cadre de la luxure pour déboucher sur le viol collectif. Tout baigne dans une atmosphère qui abaisse l’homme au rang de la bête féroce, comme le démontre l’attaque sauvage d’une Caligula enragée qui vient dénouer l’intrigue.

Même si la politique compose le sous-thème de l’œuvre, ce n’est pas suffisant pour rehausser le traitement bâclé, qui sent la scatologie et la misogynie.