Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Chabot, Sébastien.

Ma mère est une marmotte. Éd. Point de fuite, 2004, 152 p.

Les Enfants du ritalin

Très tôt dans l'existence, certains enfants ont l'impression de mener une vie de barreaux de chaise avec des parents qui ont oublié leur présence. Laissés à eux-mêmes, ils doivent se débrouiller seuls avec leurs misères; c'est ce que racontent plusieurs écrivains tels que Diane-Monique Daviau dans Ma mère et Gainsbourg et Sébastien Chabot.

Ce dernier s'est attaché à Sébaste, un garçon délaissé qui qualifie sa mère de marmotte à cause de la largeur de son séant. Ce n'est pas par atavisme qu'elle néglige son fils. Elle le prend plutôt pour acquis. Ses préoccupations se limitent à sa maigreur qu'elle tente de suppléer à coup de pâtés chinois et de poissons, étant donné qu'elle considère la masse graisseuse comme un signe d'intelligence. Cette différence physique engendre un antagoniste insoluble. Au fait, la maman de Sébaste est une vendeuse de plats Tupperware, dépassée par l'hyperactivité de son fils, surpris à pincer les fesses de son institutrice et à se soulager à l'épicerie en s'essuyant avec des feuilles de laitue. Quant au père, il s'agit d'un homme cardiaque réduit à la pratique d'une seule activité, soit la pêche, à laquelle il initie son fils qu'il aime bien. Mais les disputes familiales violentes écourtent sa présence à la maison en faveur de son éthylisme.

Sébaste compense les carences parentales par des activités ludiques qui miment son vécu empreint de tourments susceptibles de causer sa perte. Le jeune héros baigne dans une atmosphère de fatalité, renforcée par sa sensibilité au sort des animaux, des poissons et des corneilles, ses oiseaux préférés. Le père même accentue les sombres pensées de son fils en fabriquant des croix mortuaires qui servent à indiquer l'emplacement des gens inhumés dans le cimetière. Dans cet univers malsain, Sébaste parvient à tirer son épingle du jeu grâce à un imaginaire débordant, qui fournit des réponses étriquées à son questionnement. Ce qui lui échappe est donc comblé par des fabulations qui peuvent même s'avérer dangereuses pour son psychisme.

Avec une plume qui tente de reproduire le langage du jeune héros, Sébastien Chabot décrit parfaitement le monde touchant des enfants coupés de parents trop préoccupés par leurs problèmes personnels. On sent cependant que l'auteur en est à ses premières armes en écriture. Les redondances sont fréquentes, l'humour manque parfois sa cible et la bonhomie de la langue dénote un certain laisser-aller. Ces faiblesses sont rachetées par le courant d'émotions qui traverse l'œuvre de part en part.