Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Clark, Marie.

Mémoire d'outre-Web. Éd. Hurtubise, 2011, 125 p.

La Société et les Jeux vidéo

L'auteure rédige un habile constat des malaises qui frappent les jeunes. Son roman examine la souffrance qui pèse sur les épaules de Benjamin, un ado hanté par le suicide d'une amie. Il croit que le jeu interactif War of Worldcraft serait la panacée à ses maux, car il lui donne la chance de se transformer en chevalier sans peur et sans reproches pour vaincre le mal, au moins sur le Web.

Il délaisse finalement ce passe-temps, car il est tenté de sonder la rue, où il retrouve la violence de la virtualité. Tous les perdants à la loterie de la vie s'y retrouvent : les clochards, les prostituées, les junkies et combien d'autres. Avec son bâton de pèlerin miraculeux et Allié-Gris, un ange-gardien incarné dans la peau d'un chat, il parvient à rassembler les mousquetaires qui l'aideront à comprendre la honteuse mort de son amie Raph.

Ce roman décrit en fait l'œuvre de mort qui agit dans la cité. Mort de l'âme et du corps quand on pense à tous les drames qui emportent de jeunes vies. Ni Dieu ni le diable ne semblent sensibles à leur destin. Chacun retourne les problèmes à l'un ou à l'autre. Le tunnel est dangereux faute d'être éclairé. Certaines voix, comme celle de Renaud, tentent de lui " raconter enfin qu'il faut aimer la vie et l'aimer même si le temps est assassin et emporte avec lui les rires des enfants et les mistrals gagnants. "

Le triste sort des jeunes est livré dans un esprit chevaleresque, qui sent la démarche intellectuelle, surtout au plan de la langue. Une langue poétique qui donne l'impression que l'auteure écrit d'abord en anglais, comme le démontrent l'ordre des mots et les phrases se terminant par des prépositions. Tout de même, il s'agit d'une œuvre, difficile, qui réussit très bien à établir un parallèle pertinent entre les jeux vidéo et la société.