Savard,
Félix-Antoine.
Menaud,
maître-draveur.
Éd.
Fides,
1967,
214
p.
Les
Papetières
américaines
au
Québec
Cette
oeuvre,
écrite
en
1937,
exige
une
connaissance
de
l'histoire
québécoise
pour
qu'elle
soit
appréciée
à
sa
juste
valeur.
Notre
littérature
est
née
vers
les
années
1930.
Au
19e
siècle,
il
était
mal
vu
par
l'Église
d'écrire
une
oeuvre
d'imagination.
Philippe
Aubert
de
Gaspé,
qui
a
écrit
Les
Anciens
Canadiens,
a
pu
faire
publier
son
roman
en
faisant
accroire
que
c'était
une
oeuvre
ethnographique
comme
le
dénote
le
titre.
Il
a
fallu
attendre
Louis
Hémon,
un
Français,
avec
son
célèbre
Maria
Chapdelaine
pour
que
s'organise
une
vraie
littérature.
Avant
1930,
les
romanciers
ne
savaient
pas
comment
traiter
la
réalité
québécoise.
On
faisait
dans
le
terroir
en
abusant
des
québécismes.
On
croyait
bien
faire
en
incitant
la
population
à
se
reproduire,
à
rester
attachée
à
l'agriculture
et
à
l'élevage.
C'est
Félix-Antoine
Savard
et
quelques
autres,
dont
Jean-Charles
Harvey
et
Roger
Lemelin,
qui
ont
donné
à
notre
littérature
son
premier
envol.
Ce
Savard,
qui
est
un
prêtre,
s'est
inspiré
de
Louis
Hémon.
Pour
Menaud,
maître-draveur,
l'auteur
a
donc
choisi
comme
sujet
un
cas
de
dépossession
:
le
vol
pur
et
simple
de
la
forêt
de
la
région
de
Charlevoix
par
les
Américains.
Nous
avons
été
la
première
victime
de
leur
impérialisme.
Ils
se
sont
même
emparés
de
nos
rivières
en
se
les
réservant
pour
produire
de
l'électricité
ou
pour
pêcher.
Il
a
fallu
attendre
le
gouvernement
Lesage
en
1960
pour
que
l'on
se
débarrasse
de
leur
main
mise
sur
tous
les
leviers
de
notre
économie.
Son
slogan
"
Maître
chez
nous
"
signifiait
cela.
Il
a
fallu
attendre
Daniel
Johnson
père
en
1967
pour
que
l'on
retrouve
l'accès
libre
à
nos
lacs
et
à
nos
rivières
de
pêche.
Et
ce
n'est
qu'en
2000
que
Richard
Desjardins
a
montré
tous
les
dommages
causés
par
la
déforestation
autorisée
par
les
gouvernements
du
début
du
20e
siècle
pour
une
période
de
100
ans.
Félix-Antoine
Savard
a
dénoncé
cette
situation
dans
Menaud,
maître-draveur.
Son
oeuvre
est
immensément
politique
et
reste
d'actualité
si
l'on
est
sensibles
à
toutes
formes
de
spoliation.
Ce
long
détour
voulait
situer
l'œuvre
de
Mgr
Savard
dans
la
dynamique
du
dépouillement
des
peuples
qui
ont
gardé
leur
mentalité
de
colonisés.
Non
seulement
on
les
prive
de
leurs
richesses,
mais
encore
on
les
affecte
à
des
travaux
dangereux
comme
la
"
drave
".
L'hiver,
les
bûcherons
déposaient
les
arbres
coupés
sur
une
rivière.
Quand
arrivait
le
printemps,
le
courant
les
entraînait
vers
des
papetières.
Afin
que
les
billes
de
bois
ne
s'empêtrent
pas
pour
former
un
barrage,
qui
les
empêcheraient
d'atteindre
leur
destination,
des
"
draveurs
"
marchaient
sur
les
troncs
d'arbres
avec
des
gaffes
pour
les
décoincer
le
cas
échéant.
Une
chute
de
leur
part,
et
c'était
la
mort
assurée
alors
que
les
cours
d'eau
étaient
couverts
de
billes.
C'est
ainsi
que
Menaud
a
perdu
son
fils
au
profit
des
papetières.
Dans
Le
Joueur
de
flûte,
Louis
Hamelin
a
repris
le
même
sujet
qu'il
a
situé
dans
le
contexte
de
la
Colombie-Britannique.
Ce
roman
nationaliste
est
une
bible
pour
les
Québécois
qui
veulent
garder
un
oeil
ouvert
sur
un
quotidien
qui
ne
reproduit
pas
les
erreurs
du
passé.
L'injustice
signalée
par
Menaud
rejoint
toutes
les
générations
même
si
quelques-uns
l'ont
trouvé
xénophobe.
Il
est
parfois
mal
vu
de
dénoncer
la
réalité
qui
nous
tisse
comme
il
aurait
été
mal
venu
de
dénoncer
les
nations
colonisatrices
jusqu'à
tout
récemment.
On
trouve
que
les
dépossédés
manquent
de
classe
quand
ils
fournissent
le
nom
de
ceux
qui
les
ont
spoliés.
Cette
oeuvre
n'étale
pas
seulement
les
plaies
vives
d'un
peuple.
Savard
est
un
artiste
de
la
plume.
Il
voulait
atteindre
la
perfection
en
écrivant
ce
roman.
Il
y
est
presque
arrivé.
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